Assis sur d’importantes réserves de change, les pays émergents se tiennent en embuscade dans le cadre de la crise financière européenne.
La situation financière de la zone euro inquiète. Et pas seulement en son sein: les Etats-Unis et de nombreux pays émergents viennent de faire part de leurs inquiétudes. Non sans adresser quelques piques aux pays incriminés: pour la présidente brésilienne Dilma Rousseff, il est “impossible que le Brésil ait un type de crise semblable à celle des Etats-Unis et de la zone euro”. Le Premier ministre chinois, Win Jiabao, a pour sa part demandé aux Européens d’être plus avenants avec un pays qui “croît que l’économie européenne peut rebondir”.
“Le statut d’économie de marché à part entière sera reconnu à la Chine en 2016. Si les pays de l’UE peuvent faire preuve de sincérité quelques années plus tôt, cela refléterait notre amitié”, a-t-il indiqué lors du Forum d’été de Davos. Avec le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud et la Russie, il doit examiner, la semaine prochaine, la possibilité d’intervenir auprès des pays en difficulté au sein de l’Union européenne. Un engagement a déjà été pris, par la Chine, envers l’Irlande, la Grèce et le Portugal. Signe de l’importance accordée à ce bailleur de fonds, une rumeur a même colporté le bruit d’une aide à l’Italie…
Alexandre Kateb, maître de conférences à Sciences Po, estime dans L’Expansion que ces engagements pourraient néanmoins de nature à l’affecter si la crise était amenée à empirer. “Une récession aux Etats-Unis et en Europe provoquerait une baisse de ses exportations vers ces marchés essentiels”, indique-t-il. Concernant les Etats-Unis, le risque est, pour la Chine de voir ses réserves en dollars perdre de leur valeur. Pékin détiendrait actuellement plus de 3.000 milliards de dollars de réserves de change, une puissance financière aujourd’hui scrutée de toutes parts.
Les pays émergents ne constituent toutefois pas l’unique clef de résolution de la crise: leur intervention peut “aider à réduire la volatilité actuelle, mais ça ne résoudra pas le problème”, selon Alex Agostini, du cabinet brésilien Austin Rating.
Des placements diversifiés
Si leur appui semble bienvenu en cette période de crise, une interrogation peut subsister quant aux motivations de ces Etats, dont l’influence commerciale est déjà particulièrement forte. Pour la Chine, comme évoqué ci-dessus, un des enjeux est de se voir accorder le statut d’économie “de marché” non seulement par l’Organisation mondiale du commerce – qui devrait l’effectuer dans cinq ans – mais également par l’Union européenne, dans un délai qu’elle espère plus court. L’objectif poursuivi est de lever les restrictions sur les importations et les investissements chinois dans l’UE.
L’idée est également, pour la Chine, de tenter de maintenir un euro fort, facilitant ainsi les échanges commerciaux entre les deux zones. Si l’Union européenne voit son économie chanceler davantage, la consommation pourrait être amenée à se ralentir, impactant de facto l’activité de nombreuses sociétés chinoises. Or, Pékin cherche à maintenir un climat économique et social le plus pacifié possible. D’un point de vue plus large, la Russie ou le Brésil, qui détiennent également d’importantes réserves de change, tentent de diversifier leurs placements, au-delà du seul Trésor américain. Les positions pouvant être facilement prises en Europe seraient de nature à appuyer cette logique.
Ces initiatives constituent par ailleurs un moyen d’appuyer leur implication sur la scène économique mondiale. Le suivi de ces engagements, s’ils ont lieu, sera par ailleurs très fin selon de nombreux experts. Acteurs oui, sauveurs de la zone euro non.
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