A Westhalten (Alsace), la famille Koehler préside aux destinées de l’Auberge du Cheval Blanc, un hôtel-restaurant qui souhaite cultiver son ancrage régional.
D’emblée, en arrivant dans les locaux de l’Auberge du Cheval Blanc (50 couverts, 15 collaborateurs), la dimension familiale de cet hôtel-restaurant apparaît : les enfants qui rentrent de l’école ; Jérôme Koehler (37 ans, directeur général) et sa femme, Caroline, qui vous accueillent ; le père de Jérôme, Gilbert, aux fourneaux, et sa femme Raymonde à l’intendance. Pour découvrir cette entreprise familiale, nous prenons la route en direction de Westhalten (Haut-Rhin), à 15 kilomètres de Colmar, au cœur du parc naturel régional des Ballons des Vosges. Ces dernières années, l’établissement a fait évoluer sa carte et son mode de management.
En 2012, l’Auberge du Cheval Blanc a perdu l’étoile Michelin qu’elle détenait depuis 21 ans. S’en est suivi un approfondissement du travail mené sur le sourcing pour aboutir, depuis trois ans, au lancement de dîners Made in Alsace, dont la cinquième édition s’est déroulée fin mars. Au menu : fricassée d’escargots produite par l’Escargot du Florival, à Lautenbach-Zell ; truite Fario du Val d’Orbey et ses ravioles de navets ; gigot d’agneau de la ferme de la Doller, à Sentheim ; pomme et meringues au safran d’Alsace (produit à Battenheim) accompagné d’un chou pomme verte et de caramel au beurre demi-sel. Le pain vient d’Andolsheim, les carottes et les poireaux de Minwiller, les autres légumes d’un maraîcher de Colmar.
« Nous sommes une maison de rencontres : l’échange que l’on va avoir avec les clients est essentiel, explique Jérôme Koehler. Cela manque, à mon sens, dans l’univers de la restauration. Nous avions déjà beaucoup de contacts réguliers chez les producteurs, et j’en ai découvert de nouveaux. Mon foie gras d’oie vient d’Alsace la moitié de l’année. Sur un ou deux plats, nous sommes obligés de modifier nos idées pour faire du 100% alsacien, notamment l’hiver. Le reste de l’année, nous travaillons de la même façon, sans contraintes 100% Alsace, mais l’objectif est d’aller vers des produits dont nous connaissons la démarche. Dans la région, il y a plus de producteurs qu’il y a quinze ans ! »
Un management plus transversal
Créée en 1785 (certains pans de murs en témoignent), la maison a été le théâtre d’un négoce de vins, d’un relais de poste… A partir de 1964, à l’époque de la grand-mère de Jérôme Koehler, l’entreprise s’est rapprochée de la restauration, un tournant accentué en 1976 avec le retour de Gilbert Koehler, qui a travaillé chez Ricordeau à Loué (Sarthe), à l’âge de 21 ans. En 1979, de grands travaux d’aménagement ont été réalisés. L’évolution vers une cuisine gastronomique s’est traduite en 1988 par la suppression du plat du jour, avant de nouvelles évolutions progressives. En 1989, l’hôtel (11 chambres) a été construit. Arrivé de manière officielle en 2005, Jérôme Koehler y a officié jusqu’en 2010, pris la direction du restaurant de la Vallée Noble à Soulzmatt, avant d’y revenir en 2013.
« Le fait de travailler en salle était pour moi un vrai défi », explique le dirigeant, cuisinier de formation, qui s’est reconverti suite à des problèmes de santé. Aujourd’hui aux commandes d’un établissement, il souhaite davantage impliquer son équipe. « A l’avenir, je perçois l’univers de la restauration avec moins de hiérarchisation et surtout en valorisant les clients et les collaborateurs. Cela passe par une écoute empathique, une envie d’apprendre et de transmettre… Par exemple, chaque semaine, on se réunit avec les chefs d’équipe pour mettre en place des nouveautés : je ne prends plus une décision tout seul. Ce qui m’intéresse, c’est que les personnes aient envie, davantage que la formation – ma sommelière n’était pas issue de ce secteur, et elle est passionnée. Nous avons connu une grande émulation dans le secteur de la cuisine, mais nous avons également l’avantage de connaître l’environnement de nos collaborateurs, leurs familles… Nous avons la chance de pouvoir disposer d’un réseau pour nos apprentis. »
Les jeunes générations à l’écoute
Aujourd’hui, l’Auberge du Cheval Blanc attire à Westhalten une clientèle plus jeune grâce à son offre centrée sur l’Alsace. « Il y a une vraie sensibilité des jeunes générations à l’idée de mieux manger. Il s’agissait d’une surprise ! », se réjouit Jérôme Koehler. L’établissement touche une clientèle régionale, avec un noyau à 50 km à la ronde. A l’hôtel (10% de l’activité), des Suisses, des Allemands, des Belges… et des clients de la région qui viennent passer une nuit ou un week-end sont présents.
Cette année, le nombre de dîners Made in Alsace restera plafonné à deux éditions mais sera complété par des soirées dédiées à d’autres hauts lieux de la gastronomie – Lyon, dès le 4 mai, et Marseille sont déjà au programme. Il y a un an et demi, le restaurant a par ailleurs rejoint le réseau Slow food. Quid des prochaines étapes ? « Je vais essayer d’être le premier à appliquer ces valeurs de partage, de transmission, d’apprentissage et d’évoluer vers de la production locale », promet Jérôme Koehler.