Le distributeur de biens culturels, au bord de la faillite, a été rattrapé par l’évolution des habitudes de consommation, notamment numériques.
« Le Florange de l’industrie du disque ». David El Sayegh, directeur général du Syndicat de l’Edition Phonographique, a choisi cette expression choc pour caractériser les difficultés de Virgin Megastore, propriété depuis 2008 de Butler Capital Partners (74% du capital) qui avait repris l’entreprise auprès de Lagardère malgré 80 millions d’euros de dettes.
Le sort des vingt-six magasins français de l’enseigne était, lundi 7 janvier, en suspens, la réunion du Comité d’entreprise au cours de laquelle les élus devaient se prononcer sur le projet de déclaration en cessation de paiement, ayant été suspendue jusqu’à ce mardi dans le dessein d’une rencontre avec l’actionnaire majoritaire. La direction de Virgin Stores a confirmé dès vendredi 4 janvier l’hypothèse d’un dépôt de bilan, la situation financière devenant exsangue.
Les signaux d’alerte se sont multipliés, jusqu’à une brutale accélération des événements ces derniers jours. Les effectifs ont reculé de 200 personnes en l’espace de deux ans (1.000 salariés à l’heure actuelle. Le chiffre d’affaires est passé de 400 millions d’euros en 2008 à 280 millions d’euros en 2011. La dernière ouverture remonte à mars dernier, le magasin parisien de la gare Saint-Lazare étant le fruit de la fusion des surfaces du Carrousel du Louvre et de Saint-Denis.
En juin, Christine Mondollot, fraîchement nommée présidente afin de « faire évoluer son business model et intégrer les nouveaux comportements des clients sur les marchés des biens culturels », annonçait la suppression de 80 postes au siège et dans les magasins de Metz et de Toulouse, in fine fermés, et indiquait au Figaro vouloir trouver une solution pour les deux tiers du parc dans un délai de deux ans. La surface occupée à La Défense a ainsi été rationalisée début 2012.
L’emblématique magasin des Champs-Elysées (189 salariés), où Virgin Megastore a entamé en 1988 sa conquête de l’Hexagone à travers une surface jaugeant actuellement 4000 m², représentant à lui seul 20 % des ventes de l’entreprise, est officiellement menacé, depuis fin décembre, de fermeture, après plusieurs mois de rumeurs récurrentes laissant notamment envisager l’arrivée de Wolkswagen dans l’immeuble vendu par Groupama en juin 2012 au fonds d’investissement souverain Qatar Investment Authority. Les élus du CE ont été invités à consulter un projet de résiliation à l’amiable du bail du magasin (6 millions d’euros par an).
Virage numérique manqué
Si la Fnac tente de réorienter son modèle vers la vente de biens moins frappés par la mutation du secteur de la vente de biens culturels et que son actionnaire PPR tente de la faire sortir de son giron, Virgin Megastore a moins bien pris le virage de la dématérialisation : alors que les ventes de CD chutaient de 70% et celles de DVD de 15% sur les quatre dernières années selon des propos de la direction rapportés par Libération, tandis que l’écoute en streaming et le téléchargement illégal de musique se développaient à toute allure, l’enseigne n’a pas suffisamment adapté son offre, malgré le lancement du site Virgin Mega. Les prix des loyers en centre-ville l’ont par ailleurs pénalisé.
Insuffisamment armée face à des pure-players comme Amazon, qui s’apprête à inaugurer sa quatrième plate-forme logistique dans l’Hexagone, et disposant d’un parc de magasins trop étroits, Virgin Megastore a tenté sans succès de limiter la casse, par exemple à travers son offre littéraire. La ministre de la Culture Aurélie Filippetti a évoqué ce lundi la « concurrence déloyale » de certains commerçants en ligne en raison des différences européennes en matière de fiscalité.
En 2010, un accord a par ailleurs été scellé avec le magasin Carrefour de Vénissieux (Rhône) : celui-ci a délégué la gestion de son offre culturelle à Virgin Megastore, qui a implanté une surface lui étant propre dans les allées… avant de fermer boutique en 2012.
L’avenir de Virgin Stores, qui s’écrira dans les prochaines semaines pour la France après avoir fermé dans d’autres pays dont la Grande-Bretagne en 2008, s’annonce bien sombre.
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