Les cours du pétrole n’ont rarement été aussi élevés depuis le début de leur cotation, même lors des chocs pétroliers de 1973 et de 1979. Les acteurs économiques doivent s’adapter à la perspective d’une source d’énergie aux prix élevés.
Le Brent, côté à Londres, a lui aussi battu un nouveau record (98,50 USD) ce jeudi. Le Brent est le pétrole de référence en Europe et en Afrique. Le gisement éponyme de la mer du Nord est devenu un mélange de bruts côté sur le marché à terme londonien. Le brut s’est pour sa part établi à 100,09 dollars en cours de séance à New York.
Ces nouveaux records plongent les agents économiques dans le spectre d’un pétrole cher à long terme, accentuant de jour en jour le fossé entre des économies capables de résister à ces évolutions et les pays en voie de développement qui subissent le poids d’une énergie chère, entravant une fois de plus les capacités économiques des agents. Les pays pauvres qui ne produisent pas sont de plus en plus dépendants de l’or noir du fait d’une efficacité énergétique réduite. Selon l’Agence internationale de l’énergie, le surcoût de la facture pétrolière était en 2006 deux fois plus important que l’allègement de la dette des pays pauvres voté en 2005 au sommet du G8. Certains Etats d’Afrique réfléchissent à l’idée de la création d’un « fonds de stabilisation » destiné à amortir la volatilité des prix.
Les Etats-Unis, premier consommateur mondial d’or noir avec un quart de la consommation mondiale, font preuve d’une dépendance difficilement réduisible. Les récentes mesures adoptées par certains gouverneurs d’Etats ne produiront leurs premiers effets qu’à long terme. L’administration Bush a par ailleurs indiqué sa volonté de réduire de 20% la consommation de carburant en dix ans; la campagne pour l’élection présidentielle devrait voir son lot de propositions. Le dollar étant faible, les consommateurs américains doivent faire face à une réduction de leur pouvoir d’achat.
« Une révision des prélèvements obligatoires » qui tiendra compte « à la fois les taxes sur les produits pétroliers et les taxes ou les incitations sur les nouveaux types d’approvisionnement » a été évoquée par la ministre de l’Economie Christine Lagarde, qui a rappelé l’existence d’accords pour limiter la hausse des prix à la pompe. « Je suis contente qu’on ait négocié avec les producteurs-distributeurs de pétrole au mois de novembre pour obtenir de leur part un engagement de répercuter les baisses immédiatement et de lisser les hausses. C’est ce qu’ils font actuellement« , a encore déclaré la ministre de l’Economie. « On va être extrêmement vigilant pour s’assurer que c’est bien le cas« , a-t-elle indiqué.
L’UFC-Que Choisir pointe du doigt la répartition des effets d’une hausse en fonction des composantes de la population: « pour un couple en milieu rural qui a deux voitures et se chauffe au fuel domestique, l’impact est violent alors que pour un jeune actif parisien qui utilise les transports en commun et se chauffe à l’électrique, il est presque indolore« . Il apparaît cependant important de rappeler que la facture pétrolière n’a représenté que 2% du PIB français en 2006, contre le double en 1980.
Les banques centrales doivent pour leur part faire face à l’inflation, une augmentation des prix de l’énergie pouvant provoquer une hausse générale des prix. Un relèvement des taux d’intérêt est l’arme des banquiers centraux pour faire face à l’inflation; les partenaires sociaux peuvent quant à eux négocier une hausse des salaires qui provoquent des « effets de second tour » difficiles à maîtriser par la suite.
Des agents économiques bénéficiaires de la hausse des prix
La financiarisation de l’économie semble être une des données clefs dans le cadre de cette envolée des cours. La crise des subprimes a incité des investisseurs à se reporter sur les marchés des matières premières et à entretenir la spéculation autour des cours élevés de l’or noir. En pleine déconfiture du dollar et hausse de la demande asiatique, le pétrole devient un élément incontournable du portefeuille de certains fonds d’investissement.
Les pays producteurs de pétrole sont à la fête, hormis la baisse du dollar qui pourrait les amener à prendre des mesures. Depuis 2002, le billet vert a glissé de plus de 40% par rapport à l’euro. L’Arabie saoudite affiche sa forte dépendance à l’or noir, avec 90% des exportations, 50% du PIB et 80% des recettes budgétaires. L’Iran a vu pour sa part ses recettes liées au pétrole tripler entre 202 et 2006. Sur le plan géopolitique, la menace d’un blocage du détroit d’Ormuz, par lequel transite 20% du brut mondial, est une des actions redoutées par les observateurs internationaux. Quant au Vénézuéla, des cours élevés confortent Hugo Chavez dans sa volonté de nationaliser les gisements d’or noir.