La publication d’une étude sur la réduction du temps de travail permet de replacer les performances de la France dans un contexte européen. Le rôle des différentes politiques est mis en exergue.
Depuis soixante ans, la durée annuelle du travail (nombre total d’heures travaillées par un travailleur en une année) n’a cessé de reculer dans les pays développés, cette baisse atteignant 25% sur un panel de dix économies présentant un PIB par habitant parmi les plus élevés. En Europe, avec 1.559 heures travaillées par an et par personne (chiffre atteint avec un taux d’emploi de 63%), la France se classe derrière la Suède, le Royaume-Uni et l’Espagne (1.775 heures, avec un taux d’emploi de 65% en 2007).
L’Allemagne et les Pays-Bas sont, de ce point de vue, beaucoup moins compétitifs. Ce dernier pays ressort tout simplement comme le pays, parmi les dix Etats mesurés par l’Insee, où l’on travaille le moins (1.413 heures), aux antipodes de la Corée du Sud (2.165 heures). La notion de taux d’emploi correspond au rapport entre la population ayant un emploi et la population en âge de travailler (de 15 à 64 ans selon les critères de l’Insee): cette variable revêt donc une certaine importance dans l’analyse de ces statistiques.
L’accroissement de la place occupée par l’emploi à temps partiel est notamment à l’origine de la chute du nombre d’heures travaillées. Cette forme de salariat correspond à 17% des postes en France contre 47% aux Pays-Bas. La salarisation atteint certes aujourd’hui un taux proche de 90%, mais au prix d’une explosion de la part des salariés à temps partiel, grimpant de dix points lors de la dernière décennie dans l’Hexagone.
La réduction collective du temps de travail, pointée du doigt dès 2002 par l’OCDE, joue également un rôle majeur dans cette tendance. « La France est aujourd’hui l’un des pays de l’OCDE où l’on travaille le moins. Si ce constat n’est pas totalement nouveau, la politique de réduction collective du temps de travail récemment mise en œuvre est encore venue accentuer ce trait. Au sein de la zone OCDE, cette politique ne trouve pas d’équivalent », accusait alors l’Organisation de coopération et de développement économiques, pointant du doigt les conséquences de l’instauration, en 1998 et 2000, des lois Aubry.
Des effets des lois Aubry et TEPA
Passée de 45,5 heures en 1950 à 39,2 heures en 1982, principalement sous l’effet de durcissements législatifs, la durée hebdomadaire moyenne du temps de travail a connu une nouvelle chute sous l’effet du passage aux 35 heures. Les effets liés aux jours de réduction du temps de travail octroyés, comptabilisés depuis 1998, ont grévé les performances de la France, même si les conséquences sociales ont permis de contrebalancer cette tendance et d’ouvrir la voie à de nouveaux modes de consommation.
Pour l’OCDE, les mesures de réduction collective du temps de travail entreprises il y a une quinzaine d’années au Japon et en Italie n’ont pas eu d’effets aussi retentissants qu’en France, les horaires travaillés par actifs étant relativement conséquents dans le premier cas et les conventions collectives ayant réduit de manière importante l’impact de la loi dans le second. Les gains de productivité ont toutefois permis de modérer la hausse du coût horaire pour les entreprises, estime l’institution.
Depuis la loi du 21 août 2007, les salariés bénéficient d’exonérations d’impôt sur le revenu pour la rémunération des heures supplémentaires ou complémentaires. Cette mesure, censée faire office de contrepoids aux 35 heures, a été battue en brèche par la crise économique. On observe toutefois un frémissement du nombre d’heures supplémentaires sur ces derniers mois.
La compétitivité de la France en matière de temps de travail apparaît donc comme mitigée, les récentes politiques menées s’employant toutefois à restaurer une forme d’attractivité en la matière.