Avec les nouvelles technologies, la frontière entre vie privée et vie professionnelle tend à s’estomper. Le travail à distance devient plus aisé à mettre en œuvre, mais soulève des questions quant aux conditions dans lesquelles il est exercé.
Longtemps réservé à une poignée de salariés, le télétravail s’apprête à prendre un nouvel essor par le biais du lancement d’une mission d’inspection sur le potentiel de cette forme d’organisation dans la Fonction publique. 1% de ses effectifs œuvrent actuellement sous cette forme, contre une moyenne de 7% pour l’ensemble de la population active. Pour le secrétaire d’Etat Georges Tron, de « meilleures conditions de travail » ainsi qu’une « valorisation de la prise de responsabilité » sont au cœur de cette volonté, qui transitera dans un second temps par les organisations syndicales.
Selon le communiqué annonçant officiellement cette initiative, un développement du télétravail permettrait d’offrir aux agents « une meilleure conciliation entre leur vie privée et leur vie professionnelle », tandis qu’il contribue également « à améliorer [leur] productivité ». Cette porosité entre activités privées et professionnelles se vérifie notamment auprès des cadres, 73% d’entre eux déclarant travailler en-dehors de leur bureau. Une étude commandée par les Editions Tissot met notamment en lumière les conséquences du développement des technologies de l’information (Internet, smartphones…) sur l’implication des personnels encadrants. Ainsi, 58% des répondants ont indiqué travailler chez eux après une journée de travail, voire 26% en période d’arrêt maladie.
Les nombreux déménagements d’entreprises en-dehors des centre-villes sont l’occasion de mettre sur la table cet épineux sujet, les conditions de travail à domicile étant codifiées. La mise à disposition du matériel informatique incombe notamment à l’employeur, même si, dans les faits, les salariés utilisent leurs propres équipements pour des missions réalisées ponctuellement depuis chez eux. Les temps de trajet domicile-travail, source de fatigue et de retard pour de nombreux salariés, constituent un élément déclencheur dans de nombreuses entreprises. En assouplissant, en juin dernier, les conditions d’application du télétravail, Renault estimait que cette formule « permet de réduire notablement la fatigue et le stress des salariés, et leur offre plus de souplesse et de flexibilité dans l’organisation de leurs missions ».
« La grande hypocrisie en vigueur dans l’entreprise est le fait que de nombreux salariés de Renault effectuent de chez eux une part non négligeable de leur travail en accord avec leur hiérarchie », estimait cependant la CFDT, toutefois partie prenante de l’accord. Alors que le débat sur la pertinence des 35 heures ressurgit, cette question du travail au domicile des salariés s’invite au cœur des discussions. Si le temps de travail est censé correspondre, en télétravail, à celui qui aurait été réalisé dans les locaux de l’entreprise tel que défini contractuellement, la façon dont le travail est réalisé à domicile s’avère plus délicate à superviser.
Selon un rapport publié à l’automne, jusqu’à 50% des emplois, tertiarisation et expansion des NTIC obligent, pourraient être concernées par le télétravail d’ici à 2020. Un changement d’échelle à prendre avec prudence: les auteurs préconisaient un travail à distance partiel, et mettaient en garde contre un télétravail subi. Le terme de flexibilité prend ici tout son sens.