La création d’une accise dédiée aux boissons sucrées suscite une levée de boucliers de la part des fabricants, qui jouent la carte de l’opinion publique et des impacts économiques.
« Nicolas Sarkozy m’avait assuré lors d’un déjeuner à l’Elysée, il y a un mois, qu’il ne taxerait pas les produits alimentaires ». Parole non-tenue. Selon Le Journal du Dimanche, le président de l’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania), Jean-René Buisson, est particulièrement remonté contre ce revirement qui risque de coûter cher à ses adhérents. Une mobilisation d’ampleur serait même prévue avant l’étude du dossier en Conseil des ministres début octobre, selon l’hebdomadaire.
En cause ? Une des mesures les plus commentées du plan d’austérité présenté le 24 août dernier par François Fillon : la taxe sur les boissons sucrées, censée rapporter 120 millions d’euros annuels à l’Etat, dès 2012. Une accise spécifique sera créée, contraignant les producteurs à dépenser, selon l’hebdomadaire spécialisé LSA, 3,55 euros par hectolitre commercialisé, contre 0,50 euro avant l’application de cette mesure.
Les sociétés concernées prévoient de mettre en œuvre toutes les pistes possibles « pour se battre contre cette taxe 100% hypocrite, 0% efficace », selon Jean-René Buisson, qui rappelle que « sur le marché français, il n’y a pas de produits alimentaires nocifs qui justifieraient d’être pénalisés financièrement ». Taxées sur la base d’un régime similaire à celui du vin, les boissons sucrées se retrouvent ainsi stigmatisées au même titre que l’alcool voire, dans une moindre mesure, le tabac selon les acteurs du secteur, qui refusent d’être considérés ainsi.
Si l’obésité impacte les comptes de la Sécurité sociale, elle ne serait pas uniquement liée aux boissons à sucre ajoutée : une étude du Crédoc indique ainsi que les boissons rafraichissantes ne contribuent aux apports caloriques des Français qu’à hauteur de 3,5%, un chiffre inférieur aux autres pays touchés par ce fléau.
Les consommateurs à la rescousse
Les firmes touchées s’appuient par ailleurs sur un sondage très rapidement commandé à Harris Interactive. Réalisé lors de la première semaine de septembre, quelques jours après les annonces de François Fillon, il fait apparaître un scepticisme général à l’égard de ce plan. 70% des sondés ne l’estiment « plutôt pas » voire « pas du tout » efficace. Quant à la taxe sur les boissons sucrées, 81% ne croient pas à son efficacité, selon le Syndicat national des boissons rafraichissantes, son commanditaire.
En donnant la parole aux consommateurs – selon Coca-Cola, 9 foyers sur 10 consomment des boissons rafraichissantes ou des jus de fruits, soit un panel plus large que les produits incriminés – les professionnels du secteurs espèrent sensibiliser l’opinion et les députés, qui ont par ailleurs fait plier le gouvernement sur le dossier des parcs d’attraction.
Coca-Cola, première entreprise concernée par la mesure, fait preuve dans ce dossier d’une force de frappe remarquée… mais dont l’application n’est pas sans accroc : la direction européenne de la firme a ainsi désapprouvé l’attitude de sa filiale française, qui a souhaité vouloir suspendre un investissement de 17 millions d’euros dans son usine des Pennes-Mirabeau, près de Marseille.
La firme met essentiellement en exergue des arguments économiques, tout s’affirmant « solidaire des efforts collectifs pour réduire le déficit public ». Ces dix dernières années, le taux de calories et de sucres a été réduit de 16% sur l’ensemble de sa gamme, selon le site Internet déployé pour l’occasion. Aux associations professionnelles le lobbying auprès des parlementaires et de l’exécutif, aux marques la communication grand public.
Pour le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, qui s’exprimait la semaine dernière au micro d’Europe 1, « un enfant qui grandit obèse le restera. L’enjeu économique passe après, c’est surtout la santé des enfants qui compte ». Dans la majorité parlementaire, une voix discordante, celle de Bernard Reynès, député des Bouches-du-Rhône – département dans lequel est située l’usine de Coca-Cola sujette à polémique – se fait entendre : « je n’ai jamais vu du Coca pousser dans les arbres, il ne doit donc pas bénéficier de la TVA à 5,5%. Ce taux de TVA est scandaleux, c’est une aberration », a-t-il dénoncé pour sa part.
Matignon rappelle que l’obésité a progressé de plus de 70% en douze ans en France : de 8,5% en 1997, « elle atteint désormais près de 15% ». Santé publique contre prise d’initiatives et enjeux économiques : la suite du débat ne demande qu’à s’écrire…
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