Pour Stéphane Ricou, de l’agence Brand Union, le design à la française se caractérise par la pertinence et le raffinement.
Stéphane Ricou est directeur Europe du Sud de l’agence de design Brand Union. Ce réseau de 23 bureaux dans le monde, qui appartient au groupe WPP, assure la communication globale de nombreuses marques. « Nous partons du principe qu’une marque est comme une personne, et que la relation qui existe n’a d’intérêt que par l’expérience qui va se tisser. On tisse l’expérience avec la volonté, pour la marque, de converser de façon honnête et sincère toujours vers ses publics », explique-t-il. Il répond aux questions de Business & Marchés.
Comment l’agence parisienne de Brand Union s’inscrit-t-elle dans une logique à la fois locale et globale?
Stéphane Ricou − Dans une équipe, je suis extrêmement attaché au croisement des expériences et des expressions : écoles différentes, nationalités différentes… Nous sommes 40 personnes à Paris et 20 à Madrid. Quand on travaille sur des marques comme Absolut, KPMG, Vodafone, Desperados, Nespresso… on utilise nos ressources, et celles du réseau avec beaucoup d’agilité. Il faut créer l’équipe qui sera la plus pertinente sur le projet. Nous avons notamment travaillé sur l’identité d’une plateforme pétrolière en mer du Nord (BW Offshore), le client est basé à Singapour et à Oslo, et l’agence de Paris, qui avait été mandatée, a fait appel à des personnes du planning stratégique de Singapour pour donner une réponse pertinente. Quand nous travaillons sur l’opérateur téléphonique Vodafone, les anglais, les allemands, les espagnols… vont y travailler, mais les Français aussi. On va se prononcer sur le sens des typographies, une forme de raffinement… et l’on a aussi un regard extérieur sur la marque.
De quelle manière définiriez-vous le design à la française, et comment nos structures de formation influent-elles en la matière?
Il y a de très belles écoles : Penninghen, l’Institut supérieur des arts appliqués, l’Ecole de communication visuelle… Si quelque chose devait caractériser le design français, c’est la recherche de sens. Nous sommes également dans la quête de l’équilibre entre le rationnel et l’émotionnel, avec une exigence de qualité bien sûr et du sens du détail. Nos confrères européens sont bien sûr très talentueux et la différence culturelle permettra d’aborder le projet sous un angle différent; plus d’humour, plus de tradition et bien sûr plus d’histoire. Nous avons aussi un certain sens de la typographie, des harmonies de couleurs, de forme, de matière. Nous avons également une bonne aptitude à faire voyager avec la création de concepts, ce que les Japonais ne recherchent pas forcément.
« Un équilibre fin entre l’émotionnel et le rationnel »
En Belgique et en Hollande, n’importe quelle affiche est dessinée, même s’ils ont davantage la culture de l’image. En France, on a un historique, par exemple avec les grands magasins puis la grande distribution qui ont participé à la communication produit de masse; il était nécessaire de bien présenter les produits. Il convient également d’évoquer le raffinement, avec lequel la France a toujours brillé dans le monde entier. La culture française consiste à puiser dans nos racines tout en essayant de se projeter dans le futur, en respectant les codes fondamentaux d’une marque. Il y a un équilibre fin des designers français entre l’émotionnel et le rationnel. Mais sommes-nous suffisamment innovants en matière de design graphique?
Comment concevez-vous vos campagnes en mode cross-canal?
La forme et le fond sont, pour moi, extrêmement liés. Ce n’est pas parce que les formats ou la technique sont différents que l’expression visuelle ne doit pas répondre à des codes extrêmement précis. C’est là que rentre en jeu la capacité d’une marque à avoir un territoire riche, propriétaire, et légitime. Il revient au designer de créer ce territoire d’expression. Les gestionnaires de la marque pourront ainsi puiser dans ce territoire visuel, textuel, sonore, architectural, et utiliser les éléments pour rendre leur expression unique et vibrante en fonction du support. On ne parle pas de la même façon sur une banner, une vidéo, un point de vente, un emballage, un évènement etc. La gestion du cross-canal passe donc par l’exigence d’une création et d’une gestion d’un territoire de marque propriétaire et pertinent pour qu’il devienne un véritable outil de branding à disposition d’un brand manager et des partenaires extérieurs. C’est bien l’expérience « consommateur » qui va guider la cohérence de marque.
- A suivre, le deuxième volet de cet entretien: « L’universalité du design induit une compréhension par les différents publics »