Les deux semaines de vente à perte fixées par les commerçants sont désavouées par les premiers concernés. En cause: un accroissement des périodes de prix abaissés.
Alors que les soldes battent actuellement leur plein, la polémique sur les deux semaines « flottantes » instaurées par la Loi de modernisation de l’économie (LME, article 98) en 2008 fait toujours rage.
Si Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État au Commerce et à la Consommation, et Christine Lagarde, ministre de l’Économie, ont maintenu le dispositif pour cette année, ils escomptent néanmoins « poursuivre la concertation avec les associations de consommateurs et les fédérations professionnelles de commerçants » sur l’optimisation de l’animation commerciale, selon un communiqué paru en décembre dernier, faisant suite à un rapport publié par l’Institut français de la mode (IFM) et le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc).
A l’avantage du ministère, un sondage indiquant que 71% des Français soutiennent la mesure, quand bien même ces deux semaines ne s’ajoutent pas à celles existant initialement: auparavant de six semaines chacune, les périodes bi-annuelles de soldes ont été réduites de sept jours à chaque fois, pour les réaffecter au loisir des commerçants, selon des règles préétablies (leur achèvement doit s’effectuer au maximum un mois avant le début des soldes classiques, tandis que leur tenue doit faire l’objet d’une déclaration administrative). Les intervalles classiques de soldes sont, au contraire, fixés par les préfets, et débutent traditionnellement le deuxième mercredi de janvier et de juillet sauf exceptions, notamment frontalières.
Un premier rapport, suivi d’un second opus deux ans plus tard, tablait en 2006 sur un chiffre d’affaires supplémentaire compris entre 70 et 100 millions d’euros par an au moyen de ces nouvelles périodes autorisées de ventes à perte, sur un total de 750 millions d’euros liés à l’activité marchande générée par les soldes. Les commerçants, premiers contestataires de la mesure, devaient donc, selon les projections initiales, gagner en attractivité et en recettes par le biais de cette nouveauté. Il s’agissait également de multiplier les occasions permises aux consommateurs d’accéder à des prix compétitifs, un des fondements de la LME, qui comportait également un volet consacré aux relations commerciales et l’assouplissement des conditions d’ouverture de surfaces commerciales.
Trop de promo tue la promo
Cet accroissement de la fréquence des soldes fait toutefois craindre, aujourd’hui, une « banalisation » de ces derniers par la majorité des professionnels du secteur: selon le rapport, « huit commerçants sur dix » sont opposés à la mesure. Avec en moyenne 10% du chiffre d’affaires annuel effectué pendant les soldes, leur bon déroulement constitue un point crucial pour le secteur.
Car les soldes, qui constituent un élément de trafic et de ventes majeur, ne sont pas le seul moyen de proposer des prix abaissés en magasin: les promotions, qui ne permettent pas de vendre à perte mais de pratiquer des baisses de tarifs, se multiplient, jusqu’au point – sensible – de provoquer l’attentisme des consommateurs, attendant perpétuellement la période la plus propice pour leurs achats. La question du « véritable » prix, celui de référence, est posée.
La part de consommateurs déclarant attendre la période de soldes est passée de 59% en 2001 à 65% en 2010, l’IFM et le Crédoc expliquant principalement cette progression par une perception changeante du coût de la vie, le changement de monnaie (l’euro a physiquement été introduit en 2002) étant incriminé. La part des soldes et des promotions dans le total des achats en valeur a, en parallèle, bondi de douze points sur la décennie écoulée (p. 20 du rapport). Celle des soldes a doublé ! Ces données reflètent donc une évolution des comportements, les périodes de prix inférieur aux tarifs affichés de manière classique étant toujours plus privilégiées par les clients.
Les commerçants indépendants supportent difficilement ce jeu de yo-yo entre périodes à prix réduits et classiques, leur capacité à proposer des promotions étant moindres que pour les réseaux. Charles Melcer, président de la Fédération nationale de l’habillement, ne décolère pas contre la prolongation des soldes flottants. « C’est une perte de chiffre d’affaires. Comment voulez-vous vendre à prix coûtant quand il y a des vendeuses et des loyers à payer ? Il faut une marge bénéficiaire. Ceux qui ont pris cette décision n’ont jamais été derrière un comptoir et n’ont aucune notion de commerce », expliquait-t-il alors.
Vers d’autres modèles de vente
Afin de contre-carrer cet effet défavorable, des modèles alternatifs émergent, principalement sur Internet. Les maxidiscompteurs ont fait le pari, dans l’alimentaire, de proposer toute l’année des prix bas en rognant sur l’agencement des magasins et les frais de personnel, par exemple. Les enseignes de vente « discount » de vêtements existent, telles Vet’affaires par exemple, mais peinent à échapper à cette logique de la recherche continuelle du prix le plus bas. La fidélisation devient donc une des solutions potentielles, mais pas sans risques.
En témoigne l’exemple de Shop & Club (ex-ClubatCoast), lancé en 2009 par Pierre Mestre, fondateur d’Orchestra. Dans sa première version, le site proposait, contre un abonnement forfaitaire de 120 euros, de bénéficier, durant un an, de « prix coûtants » avec toutefois, in fine, un plafond d’achat. Pour cause de rentabilité incertaine – 13.000 souscriptions effectuées contre 20.000 attendues -, le ticket d’entrée a été abaissé aux environs de 30 euros mais les prix sont désormais fixés selon la règle de tarifs inférieurs à 50% à ceux affichés en boutique.
Alléchant certes, mais plus complexe pour attirer les clients… dont l’envie irrépressible de prix bas ne se fait pas démentir.