Chez Bioburger, la bio n’est pas ostentatoire. Pas de logos dans tous les sens sur les façades, pas de vecteurs de réassurance à chaque coin de table. Des prix dans la lignée de ceux pratiqués par les enseignes concurrentes de burgers. Une offre végétarienne qui ne tire pas vers des produits trop segmentants. Se fondre dans la foule, tel est l’un des atouts de l’entreprise créée il y a dix ans par Louis Frack et Anthony Darré qui tentent d’améliorer leur sourcing, réduire leur empreinte environnementale et se développer simultanément.
Quelles sont les évolutions marquantes de Bioburger depuis l’ouverture du premier restaurant ?
Anthony Darré — Bioburger est né en 2011. Nous avons ouvert notre premier restaurant dans le 2ème arrondissement de Paris. Forts du succès immédiat que nous avons eu ainsi que l’expérience acquise sur le terrain, nous avons pu ouvrir notre second restaurant deux ans plus tard. Dès lors, nous avons été confrontés à un problème de taille : nous avions du succès et un beau volume de clients mais nos restaurants n’étaient pas rentables. Nous avons donc pris le temps de trouver des leviers à tous les niveaux de notre chaîne de valeur pour rendre notre business model rentable et pérenne. Ce travail nous aura pris trois années environs pour parfaire l’ensemble et poser les fondations de ce qu’est Bioburger aujourd’hui. En 2016, notre concept est donc devenu très abouti et nous a permis d’envisager un développement plus rapide et surtout maîtrisé ! Nous avons donc ouvert Bioburger à la franchise et la première a vu le jour en 2017 rue de Petits Carreaux à Paris. Le développement s’est poursuivi les années suivantes pour arriver à 9 neuf restaurants aujourd’hui (quatre en propre et cinq en franchise). Nous avons désormais comme objectif d’ouvrir 120 restaurants à horizon 2030.
Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’agriculture biologique ?
Nous avons pour vocation d’être un vecteur de la transition écologique simple. Dans notre vision, le changement doit être intuitif et non une contrainte. Nous devons veiller à ce que l’agriculture biologique ne soit pas galvaudée. Avec l’arrivée de grands acteurs du conventionnel sur le marché, nous remarquons en effet que ces derniers essayent de reproduire les mêmes schémas (produits bio qui viennent de loin, pas de saisonnalité, pression sur les agriculteurs pour acheter au moins cher, etc.)
Qu’en est-il de vos engagements environnementaux ?
Tous nos packagings sont compostables et compostés. Cependant, nous restons dans une démarche de création de déchets. La transition pour passer sur la consigne est complexe car elle engage beaucoup de changements et de contraintes, des coûts de mise en place et nécessite de s’entendre à plusieurs s’il on veut créer une solution viable. Nous venons aussi d’ouvrir un restaurant pilote dans lequel nous avons arrêté de vendre de l’eau minérale en bouteille plastique. Nous pensons que transporter de l’eau conditionnée en bouteille plastique est un non-sens dès lors que nous avons une eau de qualité sous nos pieds. Nous proposons dans ce restaurant une eau filtrée, réfrigérée, plate ou gazeuse et gratuite à nos clients. Nous devons désormais déployer ce modèle dans les restaurants existants et ceux à venir.
“Nous devons rendre notre offre végétarienne plus attractive”
Souhaitez-vous réduire la place de la viande dans l’offre ?
Le principal contributeur à nos émissions de CO2 est le bœuf, et de loin. Nous avons donc choisi d’engager une démarche de refonte de notre offre végétarienne afin de proposer trois burgers végétariens attractifs, gourmands, que l’on choisit par envie et non par défaut ou pour se donner bonne conscience (ce qui est trop souvent le cas aujourd’hui). Toujours dans cette démarche de transition écologique simple, nous souhaitons apporter des solutions pour changer ses habitudes de manière intuitive.
Quelle est la part de produits français dans vos burgers ?
Plus de 80% des produits sont d’origine France et nous avons encore de la marge pour faire mieux. Prenons un exemple très concret. Notre poulet vient d’Italie, Pourquoi ? Car nous n’avons pas trouvé en France un acteur pouvant répondre à notre cahier des charges qualité. Il faut savoir que le marché de la bio, malgré son essor, manque encore cruellement d’acteurs. Nous ne perdons pas espoir, et continuons la recherche.
“Le marché de la bio est en forte tension”
En neuf ans, quelles ont été les grandes étapes en termes d’amélioration de l’approvisionnement en bio ?
Comme mentionné ci-dessus, il manque encore des acteurs sur le marché de la bo malgré l’amélioration notable que nous avons pu constater en neuf années. Il est clairement plus facile de s’approvisionner aujourd’hui, mais cela reste beaucoup plus difficile et évidemment coûteux que dans le conventionnel. Une des plus grandes étapes pour nous est la création de notre propre centrale d’achat en 2016 qui nous a permis de travailler en direct avec la quasi-intégralité de nos fournisseurs et de livrer en une seule fois tous nos restaurants. Nous pouvons citer également toutes les collaborations créées entre 2013 et 2016 avec les fournisseurs qui travaillent à façon pour nous.
Quels sont les produits sous tension ?
Le marché de la bio est en forte tension avec une demande qui ne cesse d’augmenter et des producteurs qui peinent à suivre. Cependant, notre ancienneté, nos partenariats solides avec des partenaires ainsi que le soutien de Biocoop, nous font bénéficier aujourd’hui d’assurance sur notre approvisionnement futur. Notre plan de croissance a été élaboré en concertation avec nos fournisseurs afin que nous grandissions main dans la main. Il reste des poches de difficultés. Nous pouvons reprendre l’exemple du poulet pané cité plus haut. Il y a également quelques tensions périodiques sur le porc par exemple. Globalement, avec le développement de la filière bio française, cela va dans le bon sens.
“Nous nous adressons au plus grand nombre”
Observez-vous une évolution de votre clientèle depuis 2011 ?
Nous avons un concept qui peut plaire intrinsèquement à une clientèle large. À nos débuts, nous constations une grande majorité de clientèle jeune, urbaine, CSP+ et plutôt sur le midi en semaine. Cela venait grandement du fait de nos emplacements, situés dans des quartiers de bureaux au cœur de Paris. Ensuite, avec l’ouverture de Gobelins ou Montparnasse, nous avons vu venir une nouvelle clientèle, légèrement plus familiale ou plus âgée, à des moments différents (soir et week-end). Enfin, avec l’ouverture à Nantes, nous avons constaté de grandes évolutions avec une forte clientèle touristique et très familiale.
De quelle manière vos clients vous challengent-ils ?
Nous sommes en train de démontrer que nous pouvons nous adresser à tous. Les exigences des consommateurs évoluent très vite et constamment. Nous avons reçu de nombreuses critiques sur le plastique. Nous avons rapidement déployé des emballages 100% compostables et compostés dans nos restaurants. Autre exemple, nous allons passer à des cartes de saison afin de supprimer la tomate en hiver ainsi que l’avocat en été.
L’article a été rédigé à l’automne 2020, avant la fermeture des restaurants en salle. Carte susceptible de modifications.