La provision, par BNP Paribas, d’un milliard d’euros pour les bonus de ses traders intervient dans un contexte d’évolution de la réglementation.
Il a suffi d’une information dévoilée, en début de semaine, par Libération pour remettre le feu aux poudres. Selon le quotidien – et l’établissement bancaire n’a pas démenti -, près d’un milliard d’euros aurait été prévu par BNP Paribas pour les bonus de ses équipes de traders. La rémunération variable de ces derniers, sujet hautement sensible qui a fait l’objet de nombreuses recommandations et rapports au cours de l’année écoulée, revient sur le devant de la scène.
Les rémunérations variables des opérateurs de la banque d’investissement ont été provisionnés au prorata de ses gains, a expliqué BNP Paribas qui avait reçu 5,1 milliards d’euros d’aide publique. C’est le rapprochement entre ces deux événements qui est à l’origine de la levée de boucliers survenue en plein cœur de l’été. « Nous avons été l’une des premières banques mondiales à respecter scrupuleusement dès 2008 les recommandations du G20, qui prévoient par exemple l’étalement des bonus sur plusieurs années et leur corrélation aux résultats, non aux revenus », s’est immédiatement défendu, dans La Tribune, le directeur général de la banque Baudouin Prot.
Les principes adoptés en avril dernier par les membres du G20, auxquels fait écho Baudouin Prot, concernent les rémunérations des traders qui doivent prendre en compte le risque et l’horizon temporel des opérations. Des superviseurs doivent contrôler ces pratiques, tandis que les organes de gouvernance des établissements financiers ont pour rôle de superviser la mise en oeuvre du système de rémunération. Le calcul des bonus doit s’effectuer en « fonction du résultat net après coût du risque et étalement partiel sur plusieurs années du paiement permettant aux risques éventuels de se matérialiser ».
Si l’on se conforme strictement aux règles édictées par le G20, à l’heure où nous écrivions, les bonus provisionnés par BNP Paribas semblent donc légaux, d’autant plus que le versement de ceux-ci n’est aucunement illégal: la banque a donc les mains relativement libres pour rémunérer ses opérateurs de marché comme elle le souhaite, même si de nombreux principes ont été mis en place depuis plusieurs mois. Le poids politique et de l’opinion n’est pas par ailleurs à négliger dans un contexte où la crise financière est encore présente dans les esprits.
Un code éthique en France, des pistes dispersées en Europe
Au-delà des principes mis en place par le G20, un « code éthique » a été mis en place par les banques et les autorités financières en février dernier, dans le même laps de temps que la remise d’un rapport rédigé par la direction du Trésor, l’Autorité des marchés financiers, la Fédération des banques françaises et la Commission bancaire. Les bonus garantis, délivrés dans condition de performance, sont désormais proscrits, et le calcul de ces primes encadré. La Société générale et BNP Paribas ont expliqué avoir appliqué ces principes pour les bonus liés à l’exercice 2008. Leur entrée en vigueur était originellement programmée pour l’an prochain.
Même si la polémique ne semble pas prête de s’éteindre de suite, les bonus versés en France semblent relativement faibles en comparaison avec ceux octroyés dans d’autres pays. « Les profils exceptionnels, c’est-à-dire supérieurs, voire très supérieurs, au million d’euros, sont très rares en France. A Londres ou New York, pour les excellents opérateurs, les bonus peuvent être deux à trois fois supérieurs au montant versé à Paris », confirme à LCI.fr le cabinet de recrutement Vendôme Associés. L’enjeu, pour les établissements bancaires, est non seulement de rétribuer les performances de leurs traders, mais également de retenir les meilleurs.
En Europe, une position commune sur cette question n’est pas encore de mise. En Allemagne, une réflexion est en cours sur les faillites, au cours desquelles le gendarme de la Bourse pourrait empêcher les établissements stratégiques de verser des bonus. Aux Pays-Bas, les aides financières de l’État ont été conditionnées au gel de ces pratiques, tandis qu’en Suède, les établissements publics ne peuvent pratiquer de tels versements. Aux Etats-Unis, un projet de loi destiné à encadrer les rémunérations a été voté par la Chambre des Représentants, mais son adoption par le Sénat reste incertaine au vu des événements passés.
Autant dire que le souhait d’une réglementation internationale exprimé par Christine Lagarde risque de rester vain, les principes édictés par le G20 n’ayant pas encore de contrepartie restrictive…