« Pour le client, visiter des lieux de vente uniformisés ne laisse pas un souvenir impérissable. La fameuse « experience shopping », ce graal des marques et de leurs agences conseil, en prend un coup », souligne Jean-Baptiste Coissac, fondateur de l’agence de design Generous.
TRIBUNE. « Mine de rien, ce qui fait la différence, c’est l’expérience de marque. Un petit commerçant qui crée des événements pour ses clients, des dégustations, des rencontres avec les producteurs, créera toujours plus de lien et d’âme qu’une grande enseigne. L’histoire de ce jeune couple qui a entièrement réhabilité un petit village dans la Drôme et recréé du lien autour d’un simple café, n’est qu’un exemple parmi d’autres, de plus en plus nombreux, de cette volonté de réinjecter de l’humain au cœur des lieux de vie.
Le consommateur n’est pas dupe. C’est d’ailleurs là tout le paradoxe de notre époque : on va picorer de çi de là sur Internet, tout consulter, tout comparer mais, dans le même temps, il reste une part d’humain non négociable parce qu’on a besoin d’échanger, de se retrouver, de se rassurer. La génération Y plébiscite Tinder, mais il n’y a jamais eu autant de gens qui vivent à deux, autant de mariages. Ils se soucient de leur e-réputation, veulent se forger une identité –voir le succès du tatouage. Mais les gens sont en quête de repères, d’identité, de personnalisation, c’est une évidence. Et le numérique et la digitalisation ne font que conforter cette tendance et la servent parfaitement.
En matière de commerce, c’est exactement la même chose. Nous sommes en train, et de sortir d’un cycle : depuis le commerce familial des années 30, sans aucune notion de marque ni de professionnalisation, à l’émergence et au règne des supermarchés et des hypers depuis les années 50, puis au digital, ère du papillonnage tous azimuts pour revenir, aujourd’hui, à une quête de proximité incarnée. Ainsi, on a bouclé une boucle.
Redonner de la valeur aux marques
Faute de revenir aux « boutiques habitées » d’autrefois, un retour à une certaine forme de personnalisation s’impose. Certaines grandes marques l’ont bien compris. Voyez McDonald’s, les mêmes restaurants partout dans le monde. Plus tout à fait : ses dirigeants ont fait ce constat de la nécessité d’adapter leur offre, de rajouter de la couleur locale. Monoprix offre aussi désormais la possibilité de manger sur place. Starbucks, l’exemple même du merchandising parfait, s’est transformé en « QG du co-working », prenant ni plus ni moins que le relais de l’ancien café bien français.
Le cas d’Envie de Fraise, pour laquelle l’agence a travaillé est à ce sujet emblématique de cette volonté de (re) créer de l’humain. Fondée il y a une dizaine d’années, la marque de prêt-à-porter pour futures mamans n’était initialement qu’un site en ligne, satisfaisant une communauté de clients pas forcément fidèles. Nous leur avons proposé de créer un lieu boulevard de Sébastopol, au rez-de-chaussée de leurs bureaux du 5e étage ou oeuvrent les développeurs. Dans ce « magasin-atelier » on peut rencontrer la créatrice, les dessins des collections tapissent les murs, des photo-boosts permettent d’échanger l’expérience sur les réseaux sociaux, des bancs sont là pour s’attarder. On est passé du pur player digital au lieu de rencontre physique. Et cela change l’image de la marque. Le magasin est devenu en réalité bien autre chose qu’un point de vente : c’est un QG communautaire. Les plus anciens d’entre nous se souviendront que le premier magasin galerie d’Agnès B rue du Jour à Paris ne faisait pas autre chose…
La grande question est : comment transmettre de l’âme et/ou en redonner après des années de professionnalisation ? Avec une marque déposée toutes les heures, le sujet du branding se pose inévitablement, et avec elle son cortège de questions. Qu’est-ce que cette marque ? Quelles sont ses valeurs ? Quelle est l’histoire à raconter ? Quel ton cette marque doit-elle adopter ? Quel rituel d’accueil doit-elle créer ? Quid de son registre d’expression ? A quel moment doit-elle prendre la parole ? Comment fidéliser les clients ? Et, pour les agences qui la conseillent, à quel moment du parcours client est-il opportun d’intervenir ? »