«La France n’a pas le design de marque qu’elle mérite», estime Olivier Disle. Dans La laideur se vend très bien. En fait. (éd. Designfax), il retrace les causes qui font, selon ce consultant en stratégie de marque (passé par Young & Rubicam, Saatchi & Saatchi, BETC et Interbrand), que l’on peine à s’intéresser, en France à l’enjeu du design des logos, packagings… Parmi les pistes suggérées, il convient de s’intéresser à la subjectivité, la vérité, la narration, au don, à l’origine ainsi qu’à l’incarnation.
Pourquoi avez-vous choisi de vous pencher sur le design de marque?
Olivier Disle — J’avais cette idée en tête depuis des années, ayant été confronté à des quantités de problématiques client, depuis près de trente ans, du marketing à la communication en passant par la stratégie et le design de marque. Dans les agences dans lesquelles j’ai travaillé, j’ai été amené à beaucoup voyager, découvrir comment les autres pays se comportent, appréhendent, valorisent le design de marque. Avec naturellement beaucoup de sources d’inspiration à découvrir sur le net ou le mobile quand on réfléchi sur un dossier pour un client.
Comment peut-on sensibiliser les managers?
Je me suis souvent fait la réflexion que la France, ou plutôt les entreprises françaises n’accordent qu’un intérêt relativement faible à cet outil pourtant essentiel de leur compétitivité qu’est le design de marque. D’où l’idée de procéder à un tableau de la situation du design de marque en France comparée à d’autres grandes puissances économiques, une analyse en profondeur des raisons pour lesquels on constate cette pauvreté et manque d’intérêt, ainsi qu’une vision prospective compte tenu des évolutions actuelles (numérique, nouvelles générations de consommateurs, contraintes écologiques…) suivie d’une méthodologie ad hoc.
«Notre niveau d’exigence est inférieur à celui des Britanniques»
Quels facteurs expliquent le relatif désintérêt pour cette notion en France?
Certains sont spécifiques à la France, comme la rémanence du «logiciel» catholique et toute la distance, la méfiance ou la culpabilité vis à vis de l’argent, de la marque… Produire du beau design de marque est le plus souvent jugé soit inutile, soit trompeur. Même si tout cela est rarement conscient. D’autres sont tout simplement le produit de l’époque comme la possible saturation ou indigestion de signes et de communications émanant des marques. Nous sommes sans aucun doute arrivés à la fin d’un cycle, celui entamé après-guerre avec le développement de la grande consommation et du marketing « moderne ».
Les clients sont-ils responsables, ou les agences ont-elles aussi un rôle en la matière?
La réponse ne peut pas être binaire ou manichéenne. Nous avons de formidables agences et des clients à forte appétence pour un design de marque de qualité. Au delà, il est clair que le niveau à la fois d’exigence et de considération vis à vis du design de marque chez les clients n’est pas le même que chez nos amis britanniques par exemple. L’avenir, ce sont les nouveaux entrants, les consommateurs ou responsables d’entreprise, avec une acculturation beaucoup plus forte en ce qui concerne le design de marque, grâce ou à cause du digital.
Quels exemples vous ont récemment inspiré?
Cela peut paraître surprenant mais je suis admiratif du travail qu’a produit la RATP depuis plusieurs années. Des uniformes du personnel (repensés, divers, fonctionnels et je pense, valorisants), à la communication sur les lignes, la gestion de la marque et des signes. Le travail qu’a fait Franprix aussi. Du design du point de vente, à celui des produits comme de la marque, l’évolution m’impressionne. A contrario, je suis consterné par le nouveau logo de la ville de Paris. Aucune puissance, aucune majesté, aucune fierté. On dirait un logo de club nautique. Que l’une des plus anciennes, belles et admirées ville du monde en soit réduit à ce niveau m’abasourdit.