L’Ice Kube, La Mezcaleria ou, dernièrement, Rehab (nous y reviendrons prochainement) ont permis de développer la notoriété des hôtels de Machefert Group. La priorité actuelle est de maintenir l’entreprise à flot. Avec 400 collaborateurs, 22 hôtels (vingt à Paris, un à Gassin dans le Var et un à Marrakech), 1012 chambres, cinq restaurants et dix bars, le groupe créé en 1992 doit gérer ses finances, son patrimoine, et préparer la sortie de crise. Kevin Machefert, directeur commercial, marketing et IT, décrypte les enjeux de cette période inédite.
De quelle manière avez-vous géré la fermeture précipitée de vos établissements ?
Nous avons dû fermer à la hâte plusieurs établissements et sécuriser nos outils de travail. Nous avons barricadé dix-sept de nos hôtels, avec un mécanisme de rondes entre employés volontaires. 95% de notre masse salariale est au chômage technique. Nous avons conservé deux hôtels ouverts pour accueillir nos potentiels clients, le 1K Paris (3ème arrondissement), ainsi que le Normandy Le Chantier (1er arrondissement). Dernièrement, l’ambassade du Maroc nous a contacté, par le biais de l’Office du tourisme, pour loger 80 ressortissants qui ne pouvaient pas rentrer dans l’immédiat. Dans le 18ème arrondissement, nous accueillons le personnel soignant des hôpitaux proches au Kube Hôtel sur une approche 100% bénévole et solidaire.
Quelles sont les actions à mettre en place en tant que dirigeant ?
Nous sommes en veille, il faut optimiser notre trésorerie. Il va falloir rapatrier un maximum de fonds en interne. Nous avons par ailleurs fait nos demandes de subventions des indemnités de chômage partiel et nous rapprochons de nos partenaires financiers pour des lignes de trésoreries garanties partiellement par l’Etat – cela prend beaucoup de temps. Nous revoyons nos business plans, sans aucune échéance claire de reprise. Nous devons également expliquer à nos clients que leurs séjours pourront être reportés, sous forme d’à-valoirs.
“Des protocoles sanitaires stricts seront mis en place”
Comment entrevoyez-vous la phase de reprise ?
Nous rouvrirons certains de nos hôtels par zone géographique. Dans les semaines qui arrivent, les ouvertures pourraient être progressives, tout en restant très agiles. Nous mettrons en place un protocole sanitaire strict : à prix équivalent entre deux hôtels identiques, le voyageur sera vigilant sur les procédures d’hygiène mis en place. Ce seront des points de réassurance, sans pour autant transformer les lieux en cliniques. Au Japon ou en Corée, il y a des exemples à prendre.
Selon vous, l’industrie pourra-t-elle se relever de ce coup d’arrêt ?
Nous n’avons eu jamais autant de crises en si peu de temps : la crise des subprimes en 2007-2008 suivie d’une chute du pouvoir d’achat dans le sud de l’Europe, la désintermédiation des réservations hôtelières, plusieurs attentats en France en 2015 et en 2016, les « gilets jaunes » et les grèves des transports. Pour de nombreux hôteliers, il s’agit actuellement de la crise de trop. Personne n’en sortira intact. Beaucoup d’hôteliers vont vendre, d’autres seront à la peine.
“Il faudra penser à voyager dans sa ville”
Quel segment de l’activité vous inquiète le plus ?
Malheureusement, en sortie de crise, pire que pour les hôteliers, il y aura le monde du bar. On ne pourra pas accueillir des groupes en trop grand nombre. Je suis plus rassuré pour les théâtres et les cinémas (ils pourront éventuellement proposer d’occuper une rangée sur deux, par exemple, avec un masque). Les restaurateurs pourraient essayer de s’organiser, mais il y a de la promiscuité dans les bars.
La clientèle locale pourrait-elle permettre de sauver les meubles ?
Avec plusieurs hôteliers indépendants, nous avons pensé à une initiative, « Sauve ton hôtel », qui me semble être absolument nécessaire. Il y a beaucoup d’initiatives en faveur des bars, des restaurants, des commerçants… mais on ne pense jamais aux hôteliers. Etant donné que les frontières vont rester fermées pour l’instant et que le déconfinement sera progressif, il faudra penser à consommer du voyage dans sa ville. Nous souhaitons que les Français pensent à leur hôtelier indépendant, sans passer par les intermédiaires et verser des commissions importantes à des acteurs étrangers au passage.
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