Orientés à la hausse, les cours du pétrole suscitent l’inquiétude des pays consommateurs. Les tensions en Egypte sont au cœur de cette envolée.
1. Quelles raisons ?
Les tensions en Egypte ont précipité la hausse des cours du pétrole (+ 9% depuis le début de l’année). Le pays est en effet traversé par le canal de Suez, axe stratégique pour le transport de l’or noir: près d’un million de barils y transitent chaque jour. Lundi 1er février, le cours du baril de brut a franchi la barre des 100 dollars, un seuil autour duquel il évolue depuis. La révolte engagée contre Hosni Moubarak a plongé l’Egypte dans une paralysie de son économie ayant également pour conséquences un net ralentissement du tourisme.
« Il y a suffisamment de pétrole (sur le marché) et il n’y a pas eu d’interruption. Mais, si le canal de Suez était fermé, cela pourrait faire monter le prix du pétrole à 200 dollars », expliquait vendredi dernier Rafael Ramirez, ministre vénézuélien du Pétrole, évoquant la possibilité d’une réunion de l’Opep si ce scénario venait à se produire. L’acheminement du pétrole vers les Etats-Unis et le Moyen-Orient devrait s’effectuer, auquel cas, au moyen d’un détour de près de 10.000 kilomètres, une hypothèse intenable financièrement et temporellement pour les acteurs économiques incriminés. Au-delà du canal de Suez, les regards se tournent également sur l’état de l’oléoduc Suez-Méditerranée, lui aussi protégé par l’armée, du moins selon les événements s’étant déroulés la semaine dernière.
La rapide succession des cas tunisiens et égyptiens semblent avoir été pris en compte par les investisseurs, qui n’écartent pas l’éventualité d’une contagion. « Les marchés fixent le prix du pétrole en fonction des anticipations à moyen terme. Ils ont donc intégré la possibilité que la crise politique se propage à des pays voisins de la Tunisie et de l’Egypte, comme l’Algérie ou la Libye », confirme à 20Minutes.fr Guy Maisonnier, ingénieur économiste à l’Institut français du pétrole-Energies nouvelles. L’importance de cette hausse des cours est toutefois à relativiser: celle-ci était perceptible dès le mois d’août, mais la crise égyptienne a constitué un moteur au dépassement du seuil des 100 dollars le baril.
2. Quelles conséquences ?
Conséquence de ces faits, la répercussion à la hausse des produits pétroliers aux consommateurs, à commencer par le carburant. Le prix du gazole a ainsi dépassé la semaine dernière son plus haut niveau (1,29 euro/litre) depuis octobre 2008, période au cours de laquelle les cours de l’or noir, particulièrement élevés, suscitaient également l’inquiétude. Même si, à l’heure où nous écrivions ces lignes, le record n’a pas encore été atteint (1,45 euro/litre), la situation du gazole demeure un sujet éminemment sensible: il représente pas moins de 78% des ventes dans l’Hexagone.
Plus globalement, une « répercussion des coûts supplémentaires supportés par les entreprises sur les prix aux consommateurs et sur les salaires » est à prévoir, selon Jean-François Ouvrard, en charge de la division synthèse conjoncturelle à l’Insee, interrogé par Usinenouvelle.com. Pour le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, les tensions ayant cours sur les prix sont passagères, l’objectif d’une inflation contenue à 2% en zone euro étant susceptible d’être compromis si les prix de l’énergie, poussés par le pétrole, continuaient à se renchérir.
Sur le plan industriel, si les sociétés parapétrolières devraient tirer parti de cet accroissement des cours, d’autres entreprises, pour lesquelles la consommation directe ou indirecte de pétrole représente une importante part de leurs dépenses – qu’elles relèvent de la consommation intermédiaire ou non – pourraient être pénalisées à court ou moyen terme, selon l’évolution de la situation. A l’actualité géopolitique doit s’ajouter une veille des mouvements du dollar, l’achat de barils ayant constitué, en 2008, un des moyens utilisés par les investisseurs pour se prémunir contre la baisse de la devise.
3. Quelles perspectives ?
La consommation des pays dits émergents, Chine et Inde en tête, est un des éléments tirant les cours du pétrole à la hausse, sur le WTI ou sur le Brent. Entre 2007 et 2010, la consommation de cex deux pays s’est appréciée de plus de 20%, d’où un accroissement de la demande de l’ordre de deux millions de barils par jour pour satisfaire leurs besoins. De 12 millions de barils/jour en 2007, la différence de consommation entre pays dits développés et émergents s’est resserrée: elle est aujourd’hui d’environ 4 millions de barils/jour. L’Inde et la Chine recèlent certes d’importantes quantités de pétrole, mais celles-ci ne semblent pas suffisantes, contraignant à des exportations massives.
Une limitation de la production par les pays producteurs, parmi lesquels l’Arabie Saoudite, constitue également une des hypothèses régulièrement avancées par les experts pour corroborer la perspective de prix particulièrement hauts. Toutefois, « les pays producteurs non membres de l’Opep devraient continuer à augmenter leur production, mais à des niveaux moindres que les années précédentes », selon le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïm, qui a déclaré que son organisation ferait de même en cas d’augmentation de la demande afin de maintenir un « équilibre » avec l’offre. 40% du pétrole mondial émane des pays de l’Opep.
Dans l’immédiat, la situation du Moyen-Orient est au centre de l’attention des investisseurs. En témoigne le questionnement relatif à une amplification des événements au Yémen, qui produit 300.000 barils par jour.