Parvenir à recruter et à fidéliser les talents, tel est l’un des défis auxquels sont confrontés les bars-restaurants. Dans un contexte de crise sanitaire, les pubs Frog tentent d’y parvenir, et de surmonter les difficultés actuelles.
Les conséquences des précautions liées à la cinquième vague de Covid-19 n’épargnent pas Frog. L’enseigne de pubs anglais (8 bars-restaurants à Paris, 1 à Bordeaux, 1 à Toulouse et 1 brasserie) enregistre de nombreuses annulations de réservations, notamment pour les soirées de fin d’année des entreprises. La reprise à plus fort rythme du télétravail touche aussi les établissements, situés près de quartiers de bureaux. Le burger (Travel Burger) et la bière de Noël (Polar Beer) restent néanmoins de mise, tandis que les bières arrivent en quick commerce. Précédemment, l’enseigne avait dû renouveler ses effectifs lors de la réouverture en terrasse (mi-mai) puis en salle. Paul Chantler, PDG, nous en dit plus.
Quels sont les premiers impacts des nouvelles mesures de précaution face à la pandémie ?
Paul Chantler – Actuellement, c’est très dur. Nous avons rouvert en mai-juin sur les chapeaux de roues, il y a eu une reprise en septembre et un bon mois d’octobre, puis commencé à sentir le climat changer depuis la mi-novembre. Nous avons vu une baisse immédiate de la fréquentation des pubs mi-novembre, qui se poursuit en décembre. Le fait de ne pas pouvoir danser va affecter la soirée du 31 décembre. Nous annulerons une partie des festivités prévues. En septembre-octobre, nous avons fait énormément d’efforts pour reconquérir l’événementiel d’entreprise (5% de notre chiffre d’affaires historiquement), et tout a été annulé, sans exception, depuis un mois. Nous avions un certain nombre de devis sans réponse, alors que jusqu’alors les confirmations étaient assez rapides pour réserver aux mêmes dates. Nous avons dû faire des relances, mais les clients étaient plus frileux. C’est un énorme trou dans les recettes prévisionnelles.
Etes-vous affectés par le rebond du recours au télétravail ?
Ce qu’on ne mesure pas, c’est le nombre de gens qui décident de ne pas sortir. Par ailleurs, nos pubs ont une clientèle qui travaillent aux alentours : le midi, c’est une catastrophe avec de -30% à -70% selon les lieux et les jours. Nous n’avions jamais connu cela. A Paris, plus grand monde ne travaille au bureau le lundi et le vendredi. C’est très imprévisible, mais nos plannings sont établis quinze jours à l’avance. Il nous faudra adapter notre organisation. Il nous reste toutefois des charges incompressibles.
Comment avez-vous géré la question du recrutement depuis la réouverture ?
Le recrutement est très difficile, depuis le mois de mai. A la réouverture, il a fallu recruter et former beaucoup de gens très rapidement. Entre le moment de l’arrivée du personnel et l’autonomie, il se passe une dizaine de jours au minimum. Historiquement, les nouvelles recrues étaient entourées de gens expérimentés, alors qu’au printemps dernier, 80% des équipes avaient, parfois, moins de deux mois d’ancienneté. Nous sommes également touchés par le Brexit : il y a moins de jeunes Britanniques qui viennent faire leurs études en France, et travailler en parallèle. Il y a aussi une vraie pénurie parmi les managers : nous faisions de la promotion interne pour 80% de nos managers. Comme les pubs ont été presque à l’arrêt pendant presque deux ans, nous avons perdu du staff, et n’avons pas pu développer les compétences. Nous en aurons pour deux ans avant d’avoir remis ce système de promotion interne (responsables de service, d’établissement…) Il y a beaucoup plus de demandes que d’offres – on voit déjà l’inflation des salaires.
“Nous avons dû assouplir nos conditions de recrutement”
Quelles mesures avez-vous mis en place ?
Les six premières semaines qui ont suivi la réouverture en mai, nous avons intégré 130 personnes. Nous avons dû embaucher des personnes qui n’étaient pas forcément présentes pour très longtemps, contre un minimum de présence de six mois auparavant pour amortir le temps de formation et d’intégration. Cet été, un très bon nombre de personnes étaient destinées à partir, et nous avons dû renouveler le staff en septembre. A la réouverture, nous avions centralisé les recrutements à l’échelle du groupe, puis nous avons de nouveau laissé la main aux managers pour recruter.
Que manque-t-il pour attirer durablement les talents ?
Tout le monde est conscient qu’aujourd’hui, changer de poste est très facile. Il va falloir travailler sur la marque employeur, ce qui va faire en sorte que les gens vont s’orienter naturellement vers les meilleurs employeurs. Les gens recherchent du développement, de la formation et plus de souplesse. Cela se passe bien avec le staff qui est en place. On rame pour trouver suffisamment de personnel, mais on arrive à assurer le service. Il faut que l’on travaille notre communication pour expliquer nos avantages, nos valeurs, nos investissements dans la formation, notre système de rémunération. Le jeune qui veut évoluer dans ce secteur a le choix. Il y a du chômage, mais on n’arrive pas à recruter les bons profils. Au sein de notre brasserie (à Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, où se situe également le siège, ndlr), tous nos brasseurs reçoivent régulièrement des offres d’emploi. Donc, il y a forcément un peu de turnover.
Depuis la semaine dernière, les bières bouteille de Frog sont disponibles sur l’application mobile Gorillas. Quels en sont les apports ?
Cela permet de mettre plus facilement des bières à disposition des consommateurs. Un des problèmes des petites brasseries a toujours été l’accès au marché. La grande distribution reste l’apanage des grands brasseurs. Les coûts logistiques dépassent les marges. Avec le quick commerce, il y a moins de coûts que dans un supermarché, tandis que les rotations des stocks sont plus rapides. Pour les clients, c’est très pratique et livré en dix minutes. Ils ont huit bières, y compris les trois références sans alcool de la gamme Incroyable. Nous préparons une opération avec 10 euros offerts pour les clients de Frog qui ouvriront un compte chez Gorillas.
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