Quasiment inexistante, la mobilité professionnelle au sein de l’Union européenne est découragée par des contraintes d’ordre familial, administratif et financier.
C’est un vieux serpent de mer qui ressurgit à l’occasion des élections européennes : les salariés sont peu mobiles dans l’Union. Les citoyens européens ont le droit de vivre et de travailler dans n’importe quel État membre (l’ex-cercle des Quinze pouvant imposer des restrictions) : cet immense terrain de jeu, consolidé par la construction européenne et de multiples mesures pour faciliter les flux, reste encore peu utilisé. Le nombre de citoyens qui vivent et travaillent dans l’Union dans un Etat autre que le leur plafonne à 2 %, un chiffre stagnant en dépit des politiques volontaristes menées dans ce domaine.
La Commission européenne continue néanmoins « de considérer la mobilité des travailleurs comme un élément essentiel de sa stratégie pour la croissance et l’emploi. Trouver du travail à l’étranger et changer de pays reste néanmoins un parcours semé d’embûches », reconnaît Bruxelles. Le facteur le plus cité lors d’échec d’expatriations est la famille, le déménagement dans un pays étranger étant difficile lorsque des enfants entrent en ligne de compte. Selon TNS Sofres, 2 % des entreprises assistent le conjoint pour retrouver un emploi dans le pays d’accueil, une faible proportion qui ralentit les migrations de couples. Cet aspect psychologique et familial, qui inclut notamment le fait d’être éloigné de ses proches et de s’intégrer dans une autre culture, représente un frein contre lequel les entreprises ont du mal à intervenir.
La complexité des démarches administratives fait également hésiter plus d’un candidat à l’expatriation. Pour une Union censée faciliter le passage d’un Etat à l’autre, le poids des obstacles législatifs et administratifs est un comble ! Les différents mécanismes de protection sociale, complexes et variables selon le statut du salarié, font partie de ces difficultés, auxquelles s’ajoutent les différences dans le droit du travail. Faute d’un Code unique, les multiples règlementations compliquent l’entrée en fonction des travailleurs. La mobilité des comptes et dossiers est essentielle dans le cadre des déplacements. 750 conseillers Eures sont mobilisés par Bruxelles pour répondre aux questions des futurs migrants, accompagnés d’un site internet, mais ce service est encore relativement méconnu.
Une installation complexe et coûteuse
Les frais d’installation sont également incriminés pour expliquer la réticence des Européens à travailler dans un Etat différent. 27 % des entreprises françaises financent le déménagement de leurs salariés (TNS Sofres), un chiffre en constante progression depuis quatre ans. La crise économique conduit cependant les firmes à examiner de plus près leurs projets, et se concentrer sur le top management. Les prix élevés des logements conjugués aux nombreuses formalités, et les frais de scolarisation font partie intégrante de ces charges incontournables mais qui rebutent de nombreux aspirants à une carrière à l’étranger. Cet aspect pratique représente donc également un frein majeur à la mobilité professionnelle en Europe.
La faible proportion de salariés travaillant dans un Etat de l’Union autre que le leur s’explique aussi par l’utilité que l’on peut retirer d’une telle expérience. Si l’international fait office de prestige sur un CV, il ne peut constituer la colonne vertébrale des qualités du candidat : son poste, ses responsabilités et son évolution professionnelle lors de cette phase sont primordiales. Les jeunes diplômés constituent des salariés de choix, plus facilement mobiles et soucieux d’enrichir leur expérience. L’essor des programmes d’échanges universitaires facilite la mobilité, avec des crédits européens harmonisés et des formations diversifiées. Mais la reconnaissance de l’expérience acquise à l’étranger reste l’élément essentiel pour tout pourvoyeur d’emploi.
A noter que le statut des salariés en poste dans un Etat étranger constitue un vivier d’information essentiel sur les pratiques en matière de mobilité professionnelle: la prédominance des contrats de travail locaux (55 %) témoigne d’une volonté de minimiser les coûts, le personnel étant à égalité avec les employés du pays d’accueil. Des coûts moindres par rapport au détachement (5 %), qui permet au salarié de conserver sa protection sociale et une protection forte. Faciliter la mobilité par l’aspect financier : voilà un axe de réflexion qui mériterait d’être davantage développé…