Les collectivités dans l’actualité (3). Mise en commun de moyens, mise en valeur de territoires, volontarisme: les structures intercommunales semblent remplir tous les critères pour préfigurer les collectivités de demain. Mais elles rencontrent des difficultés liées à leur gouvernance et à la fiscalité.
Remis en février dernier, le rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Edouard Balladur, fait toujours débat. Avec une campagne médiatique sans précédent, l’Association des régions de France, composée d’une large part d’élus d’opposition, tente de mobiliser la population contre une potentielle rationalisation (de 22 à 15 régions). L’an dernier, le rapport Attali en faveur d’une libération de la croissance préconisait la suppression du département, source de 17 milliards d’euros d’économies potentielles selon Eric Woerth. Peine perdue : Nicolas Sarkozy s’y est opposé. Une dilution de ces derniers en région parisienne reste toutefois d’actualité. Réformer le mille-feuille territorial semble relever de l’impossible.
Pourtant, remettre à plat cet enchevêtrement semble séduisant : comment maintenir une hétérogénéité des décisions, une fluidité d’application des ordres, des dépenses contrôlées, et une lisibilité autant pour les citoyens que pour les investisseurs avec pas moins de 36.783 communes, 2.601 communautés, 100 départements (bientôt 101, avec Mayotte) et 26 régions ? Les lois de décentralisation, dont les dernières remontent à 2004, ont poursuivi le transfert de compétences et d’agents aux collectivités, ce qui les amène à voir leurs dépenses fortement augmenter : elles s’élèvent actuellement à 200 milliards d’euros (280 milliards pour l’Etat), tandis que le nombre de fonctionnaires territoriaux s’est accru de moitié en dix ans.
La mise en commun de moyens, expérimentée depuis de nombreuses années par 93 % des villes par le biais de l’intercommunalité, semble rencontrer un certain succès. Il y a dix ans, seule 52,2 % des communes adhéraient à une communauté. Le rapport Balladur propose d’achever cette carte d’ici 2014 en incitant les villes isolées à rejoindre la structure (communauté de communes, d’agglomération…) la plus adaptée à leur population. Ces institutions regroupent principalement des bassins de population allant de 5.000 à 20.000 habitants, la part des petites structures tendant à se réduire. Preuve de cette dynamique, dix communes de Seine-Saint-Denis travaillent actuellement à la construction de la plus grande intercommunalité d’Ile-de-France, qui agira notamment comme un poids politique sur l’Etat. Le logement, les ordures ménagères et l’environnement constituent les compétences les plus déléguées à ces structures.
Une gouvernance encore en chantier
Preuve de leur efficacité tant en termes économiques qu’en terme d’image, les communautés, qu’elles soient dites de communes, d’agglomération ou urbaines, ont inspiré le Comité pour la réforme des collectivités locales, qui a proposé une déclinaison spécifique à l’échelle de onze métropoles (Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Rouen, Rennes et Toulon) de plus de 400.000 habitants. Le but est d’élargir le champ d’action au-delà de la seule ville principale. « Tout en conservant l’échelon de la commune à laquelle nos concitoyens sont particulièrement attachés, communautés urbaines et communautés d’agglomération ont permis d’apporter des solutions à la bonne échelle », reconnaissait en mars dernier Gérard Collomb, sénateur-maire PS de Lyon.
Afin de clarifier leur gouvernance, le comité présidé par Edouard Balladur a suggéré que les conseillers intercommunaux soient des conseillers municipaux identifiés comme tels lors des élections municipales. Il s’agit également d’éviter les dérives, comme à Metz où la communauté d’agglomération est dirigée par 48 vice-présidents et 121 conseillers ! Rationalisation administrative ne dit pas forcément rationalisation des effectifs.
Les structures intercommunales, séduisantes sur le papier, se heurtent donc à des difficultés de gouvernance, et doivent amplifier leur communication pour tenter de se faire une place entre les villes qu’elles regroupent et le département. Faute d’élections directes, elles font encore preuve de méconnaissance auprès de leurs administrés. Quant à leur financement, il est tout aussi complexe, entre dotations et taxation. Mais un nouvel exemple de coopération, le Grand Paris, issu d’un possible rapprochement des départements de Paris, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine, pourrait changer la donne. Ce modèle, s’il parvient à son terme en 2014, consacrerait alors l’émergence de nouvelles structures administratives destinées à mutualiser et rationaliser les moyens. Un échelon supplémentaire dans une organisation difficilement lisible…