Un rapport rendu public au printemps dernier souligne la nécessité pour les médias traditionnels de s’adapter à l’univers numérique
Le succès des portails d’information durant la campagne pour l’élection présidentielle a mis en lumière l’effort de certains titres de presse pour asseoir leur audience sur internet, à l’instar du Monde depuis plus de dix ans ou du Nouvel Observateur. L’irruption des technologies numériques est en passe de modifier non seulement l’économie des médias, mais aussi leurs modes d’organisation et leurs contenus. Au centre de cette évolution, les user generated content (UGC), à savoir les contenus produits par les internautes. La vidéo, fin novembre 2005, montrant Ségolène Royal s’exprimer sur le temps de travail, des professeurs ou celle plus récente mettant en scène Nicolas Sarkozy au G8, prouvent que le média internet est aujourd’hui incontournable dans le traitement de l’information.
Pour en revenir à la presse écrite, l’enjeu est de récupérer sur internet les lecteurs de la version papier, mais aussi d’en séduire d’autres, notamment plus jeunes. La dominance du modèle économique gratuit est un facteur à intégrer pour les groupes de presse qui se lancent sur la Toile. Rendre payants des contenus nécessite que ceux-ci soient si possible fournis et destinés à une cible précise et réduite, comme l’édition abonnés de l’édition électronique du Monde. La présence sur internet induit aussi une réorganisation des rédactions, amenées à travailler en temps réel. 61% des internautes français se connectent pour rechercher des informations liées à l’actualité, et près de 50% des internautes recherchent une information sur l’actualité en temps réel, selon une étude menée pour le compte de la régie Manchette Publicité. Le Monde entretient deux rédactions, qui séchangent des contenus, tandis que La Tribune a fait le choix d’une seule équipe. Les « sites compagnons », qui présentent la Une du journal et quelques informations pratiques, peinent à s’imposer sur la Toile. La production d’un contenu dédié à cet outil permet d’y remédier.
En parallèle, les groupes de presse sont amenés à une réflexion sur la formule de leurs publications papier, à l’instar de celle engagée après l’apparition des quotidiens gratuits d’information. Quels contenus le lecteur acceptera-t-il de payer, alors que l’information générale est disponible gratuitement et en permanence sur internet? Le rapport proposé par Marc Tessier, ex-président de France Télévisions, en février dernier, évoquait l’éventualité de la création d’un label des sites d’information afin de faire face aux agrégateurs de contenus proposés par les moteurs de recherche (Google News, Yahoo! News).
« Le temps moyen passé sur Internet est d’environ 24h par mois, soit presque quatre fois plus qu’en 2002. Au total, si l’on regarde l’ensemble des activités multimédias (Internet, musique, jeux vidéo, téléphone portable et programmes vidéos préenregistrées), 72 % de la population pratique au moins une de ces activités sur un jour moyen de semaine« , indiquent les auteurs du rapport remis au ministère de la Culture et de la Communication en début d’année. Ces données, émanant de Médiamétrie, prouvent l’importance des médias numériques dans notre société, ce qui influe sur le temps disponible pour la lecture de la presse. Celui-ci tend à se réduire, en particulier chez les jeunes (les potentiels lecteurs de demain). Proposer des contenus plus adaptés aux lecteurs et s’imposer par le biais d’une stratégie multimédia sur leurs canaux favoris permet de capitaliser sur son audience et de l’accroître à chaque instant de communication des médias. Le Monde propose ainsi une version consultable sur son téléphone mobile, tandis que Les Echos font le choix d’une édition électronique téléchargeable sur un lecteur portable.
Concernant le modèle économique, la presse est en passe de devenir le seul média d’informations payant. Les chaînes d’information en continu sont accessibles gratuitement via la TNT, et l’internet impose le modèle gratuit comme celui prévalant chez les internautes. « Contrairement à la presse, pour laquelle il est nécessaire de payer à chaque fois que l’on veut actualiser l’information fournie, le coût marginal de l’information supplémentaire sur internet est nul : quel que soit le nombre de consultations d’un site d’informations au cours du mois, le prix final reste le même« , indiquent Marc Tessier et l’inspecteur des finances Maxime Baffert. Seul le coût, mensuel et fixe, de la connexion à internet est en jeu.
Les contenus sont au coeur de la présence sur internet des titres de presse, en particulier quotidienne. Les groupes de presse doivent faire face à des pure players de la Toile qui ont développé une expertise dans leur propre domaine: Newsweb, qui a développé les sites Boursier.com (finance) ou Football.fr (sport), le pôle information de Benchmark, qui s’est imposé avec L’internaute magazine et le Journal du Net, ou bien encore Au féminin pour des contenus visant la cible particulière des femmes. Les chaînes de télévision jouissent quant à elles de leur notoriété. TF1 a récemment relancé LCI.fr, qui s’est rapidement hissé au rang de troisième site éditorial d’information en France. France 24, lancée en décembre dernier, peut quant à elle se targuer d’éditer un site Web puissant chez les leaders d’opinion par le biais d’une triple édition (français, anglais, arabe) et de contenus vidéo.
Aujourd’hui, l’enjeu pour les groupes de presse est d’anticiper ces mutations et de réussir la transition de leurs supports sur la Toile. Pour accélerer leur développement, certaines entreprises n’hésitent pas à racheter des sites internet existants, à l’instar du Figaro (Evene.fr, culture) ou de Prisma Presse (Firstinvest.biz et Programme-TV.net afin de permettre le développement en ligne de Capital et de Télé Loisirs).
Référence – La presse au défi du numérique, rapport de Marc Tessier et de Maxime Baffert