En dépit d’un climat morose, les Français semblent maintenir un certain niveau de dépenses dans le secteur culturel.
« La crise incite les gens à se tourner vers des lieux préservés. Le monde change, l’avenir inquiète ? L’intangibilité des œuvres d’art et la stabilité des musées rassurent », expliquait récemment au Monde Marie-Christine Labourdette, de la Direction des musées de France. Le succès de l’exposition « Picasso et les maîtres », qui a réuni plus de 780.000 visiteurs en trois mois seulement – et parfois même la nuit – a permis de mettre en exergue le maintien des dépenses culturelles en dépit d’un contexte économique morose. Le profil sociologique des curieux s’est même diversifié par le biais de ces ouvertures nocturnes, un point qui devrait inciter la Réunion des musées nationaux à réitérer l’expérience. De source officielle, une croissance de 2 % à 3 % de la fréquentation des musées est attendue pour cette année.
Mais, au-delà de cette exposition, c’est une véritable tendance de fond qui se vérifie jusque dans les rayons des magasins. Le marché de la musique accuse le coup du fait des raisons élucidées depuis de nombreux mois (téléchargement illégal, difficultés de certains artistes…) : le CD ne représente plus que 11 % du marché des loisirs. Les bons résultats de Francis Cabrel, une valeur sûre, et du jeune chanteur Christophe Mae permettent aux disquaires de retrouver le sourire. Les jeux, en revanche, se permettent d’afficher une croissance insolente de 19 % en un an : on reste chez soi, mais on se fait plaisir. « Le marché des loisirs interactifs n’a pas subi d’impact de la crise en 2008. On constate un ralentissement des ventes à partir de septembre et sur la fin de l’année 2008. Cependant, il est dû à une moindre activité éditoriale alors que la fin de l’année 2007 avait été riche en sorties de blockbusters. Ce ralentissement avait donc été anticipé par la filière », indique à ITR-Games Natacha Pépion, chef de groupe logiciels chez GfK. Durant les fêtes, le livre a également eu la côte, poussé par une large gamme de titres et de prix : les ventes ont progressé de 3,8 % en décembre et de 4,9 % en janvier.
Les salles de concert et de théâtre résistent quant à elles par le biais des abonnements, vecteurs de fidélisation. « Les budgets régressent, la culture comme symbole paraît menacée, et, par solidarité, des spectateurs s’abonnent. Le public abonné a peut-être aussi un pouvoir d’achat qui l’écarte de la crise », décrypte le chercheur au CNRS Emmanuel Négrier. Les opéras sont notamment concernés, avec des succès tels que Carmen à Toulouse. Les inquiétudes se portent toutefois sur le renouvellement des abonnements au printemps, au moment de la parution des programmes 2009/2010. Les établissements faisant l’objet de subventions peuvent par ailleurs afficher des tarifs plus bas que ceux pratiqués dans les autres salles, ce qui leur permet d’affronter la période à venir – véritablement au cœur de la crise – avec davantage de sérénité.
Si jamais les dépenses culturelles des Français venaient véritablement à flancher, les acteurs de la culture pourront compter sur le dynamisme des collectivités territoriales, qui progresse de manière constante chaque année. Les départements reçoivent la palme des entités les plus engagées, avec une hausse de 6,4 % par an en moyenne pour les dépenses culturelles totales entre 1996 et 2002. En 1929, les salles de cinéma n’avaient jamais été aussi remplies aux Etats-Unis…