Sept ans de préparation et puis s’en vont. Les Jeux à peine terminés, la Chine doit désormais se pencher sur les suites d’un événement qu’elle a préparé durant de longues années, au prix de conséquences parfois importantes pour sa population (réhabilitation de quartiers à Pékin, réduction de l’approvisionnement en eau, mesures anti-pollution, sensibilisation à un certain esprit olympique…). Après les Jeux les plus chers de l’histoire de l’olympisme (40 milliards d’euros), la Chine doit imaginer son avenir après quinze jours placés sous le signe de l’effort sportif. Les usines pékinoises se remettront en route, deux mois après leur arrêt, responsable en large partie de la chute de la pollution. Selon la Banque mondiale, la croissance ne devrait s’élever cette année qu’à 9,8 %, après 11,4 % en 2007. Les exportations diminuant, Pékin pourrait injecter de 20 à 40 milliards d’euros dans l’économie.
« Il faut réussir coûte que coûte les Jeux, pour le reste on verra après » indiquaient les cadres du Parti communiste. Aujourd’hui, la seconde phase est arrivée; mais les Jeux ont permis à Pékin de réaffirmer son rôle de capitale face à la bouillonnante et moderne Shanghaï. La capitale s’est parée de ses plus beaux atouts pour ces quinze jours, faisant fi d’une image marquée par le communisme pour basculer dans une ère résolument occidentale, voire capitaliste diront certains. Le comité d’organisation s’est plié aux règles édictées par le Comité International Olympique et à la domination des sponsors. Ainsi, la chaîne américaine NBC a obtenu de voir déplacées certaines épreuves, en particulier de natation (avec Michael Phelps) pour qu’elles soient retransmises en prime-time outre-Atlantique. Les sponsors, dont Nike, ont mis la pression sur l’athlète Liu Xiang jusqu’à son forfait. Les places dans les stades ont été vendues à prix d’or.
« Le monde a appris davantage sur la Chine et la Chine a appris davantage sur le monde« , a souligné le président du CIO Jacques Rogge, soucieux de mettre en avant la qualité de l’organisation, plus flexible que redouté en 2001, et l’ouverture au monde de l’empire du Milieu; Toutefois, « le CIO et les Jeux olympiques ne peuvent imposer des changements à des nations souveraines ou régler tous les maux du monde« , rappelle l’éminent Belge. Car si ses Jeux ont été salués pour leur déroulement sans incident, ils ont aussi été l’occasion pour les militants de la cause tibétaine de se faire entendre – en témoigne le parcours mouvementé de la flamme olympique dans quelques villes, dont Paris -, et de donner l’occasion de s’exprimer à certains dirigeants politiques. Les travers d’un pouvoir verouillé et d’un système où les médias restent abondamment contrôlés ont été largement décriés à travers le globe, entamant l’image d’une Chine conquérante et avide de modernité. Pour ne pas se laisser marcher dessus, les dirigeants du parti ont mis en avant leur arme la plus puissante: leur poids économique. Mais ces menaces ne sauraient suffire à faire oublier les problèmes administratifs et étatiques.
Enfin, sur un plan plus matériel, la Chine devra s’occuper du devenir de ses installations. Le village olympique devrait être conservé en l’état afin d’être loué ou revendu par appartements, et les stades réutilisés pour d’autres événements. L’enjeu sera d’éviter les problèmes rencontrés aujourd’hui par Athènes, à savoir un abandon de la plupart des sites sportifs (sur 15 stades ou sites construits pour l’occasion, seuls trois ont été reconvertis ou fonctionnent); et la hausse plus limitée du tourisme (seule l’année 2005, suivant les Jeux, a été bénéfique à Athènes avant une décrue). Les autorités comptent, là aussi, faire preuve d’exemplarité, mais les mois à venir seront sans doute l’occasion de se pencher sur la façon dont la Chine gère la suite de Jeux pour lesquels elle s’est tant préparée.