« On considère que c’est une bonne nouvelle, ces fonds ont beaucoup d’argent, ils placent pour le long terme dans les choses rentables« , a expliqué Total lors de l’annonce de l’entrée au capital du groupe pétrolier d’un fonds public chinois pour une participation comprise entre 1% et 5%.
Début janvier, le vice-président de l’administration chinoise Wei Benhua expliquait que » les nations riches ne doivent pas avoir une attitude discriminante envers les fonds d’Etat et doivent se garder de tout sentiment de protectionnisme. Certains pays ont véhiculé de manière intentionnelle l’idée d’une menace de la Chine« . L’objectif est clairement de désamorcer les tensions autour des prises de participation de l’Etat chinois dans des entreprises étrangères, réfutant à de multiples reprises les craintes d’impérialisme ou de tentative de contrôle politique. Le fonds souverain CIC, doté de 200 milliards d’euros, a été crée en regard de l’important excédent chinois de 262 milliards de dollars en 2007. De plus, les réserves de la Chine s’élevaient au 31 décembre à 1.528 milliards de dollars. Mais l’Empire du Milieu n’est pas le seul Etat capable d’investir massivement à l’étranger; preuve en est l’influence des pays du Gulf Cooperation Council (Bahreïn, Koweit, Qatar, Oman, Arabie saoudite, Emirats arabes unis)dont les actifs privés et publics à l’étranger étaient de 1.800 milliards de dollars à la fin de l’année 2007.
« Les prix élevés du pétrole ont permis aux gouvernements du GCC de soutenir leurs positions d’investissement à l’étranger, ce qui permettra de maintenir un même niveau de dépenses, au cas où le prix du brut baissera« , avait alors indiqué l’International Institute of Finance. Car ce sont avant tout les recettes issues du commerce de matières premières, au premier rang desquelles le pétrole – les fameux pétrodollars – qui sont à même d’expliquer la puissance de ces fonds d’investissement dépendants d’un Etat. Un fonds d’investissement souverain est la propriété d’un Etat. L’objectif est de faire fructifier les excédents budgétaires à partir de prises de participations dans des entreprises du monde entier. Les SWF se caractérisent par le fait que les capitaux sont détenus par les Etats, ce qui laisse planer des interrogations quant à une éventuelle tentative d’exercer une influence politique dans des entreprises et structures étrangères, comme l’a déjà laissé entendre Angela Merkel.
Les Etats du Moyen-Orient sont bien placés pour remporter la palme de l’utilisation des revenus générés par l’exploitation de l’or noir. Les revenus pétroliers des pays arabes ont atteint 472 milliards de dollars en 2006, et sont estimés pour 2007 à 520 milliards. En dollars courants, cette somme est trois fois supérieure à ce qu’elle pouvait atteindre en 2002, année précédent la guerre en Irak, signe de ralentissement de la production. L’Abu Dhabi Investment Authority, le fonds des Etats Arabes Unis, truste la première place des fonds souverains avec 875 milliards de dollars d’actifs. « Notre fonds souverain prépare l’avenir des futures générations dans la perspective de la fin du pétrole. Tant que nous achetions des obligations du Trésor américain, nous étions jugés responsables et sérieux ! Mais quand nous cherchons à réaliser des investissements plus profitables pour les enfants de nos enfants, alors nous devenons un danger !« , s’étonnait récemment à La Tribune un dirigeant émirien. Les trois quarts des actifs des fonds souverains émanent des revenus tirés du pétrole.
La transparence de ces fonds est par ailleurs problématique. A l’exception de la Norvège, qui a développé une véritable politique d’information et d’éthique, d’autres Etats sont moins regardants sur ces critères. La gouvernence du fonds singapourien Temasek, présent depuis quelques mois au capital de la banque américaine Merill Lynch à hauteur de 9,4%, en est un exemple frappant. Sa démarche semble « davantage guidée par les intérêts politico-stratégiques du gouvernement que par des considérations commerciales« , selon la mission économique française basée à Pékin et en charge de l’Asie. Son conseil d’administration compte pour membres l’ancien ministre des Affaires étrangères et l’épouse du Premier ministre. En Norvège, les liens avec le pouvoir se veulent encadrés, tout comme les investissements pratiqués (dont les fonds proviennent essentiellement du pétrole et du gaz). « Nous nous sommes fixé l’objectif d’avoir le fonds souverain le mieux géré au monde« , explique la ministre des Finances Kristin Halvorsen. En France, c’est la Caisse des dépôts qui joue le rôle de gestionnaire des participations dans les entreprises privées. « Il existe aujourd’hui des groupes industriels dont on sait qu’ils sont opéables. Si certains ont besoin soit d’assurer leur croissance, soit de stabiliser leur capital, la Caisse peut en devenir partenaire. Sa présence au capital des entreprises peut être le moyen de consolider un noyau dur au sein d’un pacte d’actionnaires« , indique le député de Savoie Michel Bouvard à l’Agefi.