Entretien avec Odile Barbe et Bénédicte Brullebaut, membres de la Chaire en gouvernance d’entreprise du groupe ESC Dijon-Bourgogne.
Introduite en 2011, la loi Copé-Zimmermann fixe pour objectif un quota de 20 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises entrant dans son périmètre d’ici à juillet 2014. Ce chiffre doit grimper à 40 % en 2017. Odile Barbe et Bénédicte Brullebaut, membres de la Chaire en gouvernance d’entreprise du groupe ESC Dijon-Bourgogne, présentent à Business & Marchés les principaux résultats de leurs travaux.
Comment la présence féminine a-t-elle évolué ces dernières années au sein des conseils d’administration ?
Les statistiques que nous publions régulièrement depuis 2012 dans le cadre de notre Observatoire de la parité dans les conseils d’administration montrent que la part des femmes dans ces derniers atteint à fin décembre 2012 23,3% pour le compartiment A (capitalisations boursières supérieures à 1 milliard d’euros), 17,5% pour le compartiment B (capitalisations comprises entre 150 millions et 1 milliard d’euros), et 19,7% pour le compartiment C (capitalisations inférieures à 150 millions d’euros).
Ces moyennes masquent toutefois certaines disparités : 63,4% des entreprises du compartiment A ont déjà franchi le seuil des 20% tandis que seuls 42% des sociétés du compartiment B l’ont atteint. Par ailleurs, 17,2% des sociétés du compartiment C n’ont encore aucune femme dans leur conseil.
La loi Copé-Zimmermann a-t-elle réellement fait bouger les choses ?
L’impact de la loi Copé-Zimmermann sur la féminisation des conseils d’administration est indéniable. Nous pouvons l’illustrer par deux chiffres clés :
– les femmes représentent 44,4% des administrateurs nommés en 2011 et 2012 sur les compartiments A et B, soit près d’un nouvel administrateur sur deux.
– 46% des administratrices du compartiment C au 31/12/2012 ont été nommées depuis la promulgation de la loi en janvier 2011.
Le premier objectif quantitatif de 20% en juillet 2014 devrait être atteint sans problème. La prochaine étape d’un quota de 40% en 2017 pourrait s’avérer plus difficile à réaliser, et nécessitera de la part des entreprises une réflexion sur le recrutement de ces administratrices en interne au sein du top management, et en externe.
Le cabinet EY indiquait en octobre dernier que la France fait partie des meilleurs élèves européens en la matière. Parvenez-vous au même constat ?
Nous avons mené une étude sur la féminisation des conseils d’administration à fin 2011, au niveau européen, qui a mis en évidence l’excellente position de la France, juste derrière la Finlande (28%) et la Suède (24%), avec un pourcentage de femmes de 15% environ.
Dans les dernières statistiques à fin octobre 2012 de la Commission européenne, la France est toujours dans le groupe de tête des pays européens. La France figure d’ailleurs parmi les 27 pays de l’UE, à avoir connu la plus forte progression de femmes dans les conseils entre 2003 et 2012 : elle a enregistré une augmentation de 20 points tandis que la progression moyenne est de 16 points dans les pays ayant institué des quotas, de 7 points dans les pays ayant des recommandations en faveur de la diversité dans les conseils et de 1 point en moyenne dans les pays n’ayant pris aucune mesure.
Comment la diversité dans les conseils d’administration peut-elle être bénéfique aux prises de décisions ?
La revue de littérature est riche sur les apports de la diversité de genre dans les conseils d’administration : apports d’autres perspectives, de davantage d’alternatives ce qui conduit à un enrichissement de la prise de décision. Cela s’explique par les différences de profils des femmes administrateurs (formation, expérience professionnelle, appartenance à des réseaux, etc.), mais aussi à leur perception des choses et à leurs valeurs spécifiques.
Une étude menée au sein de la Chaire en gouvernance d’entreprise de l’ESC Dijon a par ailleurs mis en évidence une corrélation positive entre la diversité de genre dans les conseils d’administration et les innovations produit et marketing.
Une conférence-débat sur le thème « Présence et rôle des femmes dans les conseils d’administration » se tiendra lundi 10 mars dans les locaux du groupe ESC Dijon-Bourgogne.
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