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« Il n’y a pas assez de makers en France », estime Nicolas Bard

4 min de lecture
ICI Montreuil : atelier d'assemblage

Pour Nicolas Bard, cofondateur d’ICI Montreuil, les makers jouent un rôle-clef dans le développement de l’emploi et de nouvelles activités en France. La question de leur formation se pose notamment.

Nicolas Bard

Jamais les makers n’ont autant fait parler d’eux… Pourtant, la question de leur nombre et de leur formation se pose, rappelle Nicolas Bard dans un entretien accordé à Business & Marchés. Cofondateur d’ICI Montreuil, un espace associant des salles de coworking et des moyens industriels, il rappelle leur rôle-clef dans l’engouement actuel pour le made in France. ICI Montreuil vient par ailleurs de lancer à Camiers (Pas-de-Calais) un projet de revitalisation d’une cimenterie, à l’aide du « faire ».

Comment les makers contribuent-ils à l’essor du made in France?

Il faut qu’il y ait de la production en France, et donc des entrepreneurs et des entreprises qui produisent sur place. Aujourd’hui, on s’aperçoit que ce qui peut être produit en France relève de moins en moins de l’univers des produits de grande consommation. Par conséquent, la « relance » du made in France passera principalement par des créations davantage orientées vers un segment moyen/haut de gamme. Dans le mobilier, il y a Ikea et But, mais aussi du mobilier design. Les bracelets haut de gamme de la montre Apple sont faits par Hermès, à l’inverse de ceux du modèle « grand public », réalisés en Chine ! La France étant toujours championne du monde des savoir-faire artisanaux, du luxe, du haut de gamme, c’est là-dessus qu’il faut agir. Il faut donc pousser la création d’entreprise, à partir de savoir-faire basés en France. On peut citer l’exemple de Zelip : malgré la crise, de plus en plus de gens ont les moyens d’acheter des biens haut de gamme d’artisans, sauf que tout le monde ne connaît pas ces professionnels !

La question de la formation se pose également…

Il y a le problème des savoir-faire : pour produire, quand on ne les maîtrise pas, il faut une collaboration entre les makers, d’où leur présence dans des lieux de travail collaboratifs. Ils travaillant ensemble ou font réaliser leurs projets par leurs pairs. Désormais, ce qui est nouveau, c’est qu’ils créent des entreprises ensemble, parce qu’ils ont appris à se connaître ! Aujourd’hui, le principal problème est qu’il n’y a pas assez de makers… De plus en plus d’indépendants pourraient être considérés comme des makers, mais lorsque l’on est seul, il est plus compliqué de collaborer. Pour qu’un maker puisse vivre de son activité, il doit travailler vite (créer un meuble nécessite du temps, et les prototypes ne sont jamais commercialisés à un prix correspondant au temps passé), et maîtriser des outils de productivité : le numérique aide à aller plus vite, par exemple dans le travail du bois. Les imprimantes 3D, les découpes laser, etc. permettent d’aller plus vite, et de créer des petites séries : on « industrialise » plus facilement, même si un fablab n’est pas une usine !

Quelles sont les principales attentes des résidents d’ICI Montreuil?

ICI Montreuil doit donner les moyens de développer son entreprise, en machines et outils, et puis aussi en humains. Il faut permettre à nos résidents d’optimiser l’écosystème que l’on a créé. Nous avons 165 résidents et environ 350 utilisateurs. Nos résidents ne connaissent pas forcément les savoir-faire des autres personnes présentes : il faut imaginer des applications, des réseaux sociaux, etc. pour qu’ils puissent trouver des savoir-faire et des compétences présents dans notre écosystème. Nous avons des clients abonnés, qui ont fait d’ICI Montreuil leur lieu de travail, et ceux qui nous demandent des prestations : on met en relation les abonnés et les non-abonnés au moyen de projets. Nous avons aussi de plus en plus de demandes de compétences : il faut que l’on crée une sorte de « bourse aux projets ». Je veux gérer la communauté d’ICI Montreuil comme un « club business », parce qu’ils ont besoin les uns des autres. C’est un « style de vie » professionnel.

On parle des « makers », sans dire qui ils sont…

Je me retrouve souvent invité en tant que responsable de lieu, mais on ne fait pas parler les makers ! Les « porte-parole » du mouvement makers ne sont pas des makers ! Toutefois, on montre peu ce que fait un maker. Aujourd’hui, on manque de ressources humaines, mais une partie de notre site internet pourrait devenir un « e-magazine » : montrer des projets, faire des portraits, etc.

Quels sont les objectifs du lancement d’ICI Camiers ?

On a comme client une grande entreprise française, qui s’appelait Holcim (cimenterie). A Camiers, entre Boulogne-sur-Mer et le Touquet, ils ont une ancienne cimenterie qui n’est presque plus en activité. Ils veulent revitaliser le site en recréant une activité économique : ils veulent notamment recréer de l’emploi. L’idée, c’est de travailler avec eux : ICI Montreuil sait recréer de l’emploi à partir de la production. On a commencé par revitaliser un des bâtiments, pendant trois jours, mi-septembre, avec de l’art et de l’artisanat (un mini fablab), en montrant aux habitants ce qui pourrait être fait d’ici trois à quatre ans. La deuxième étape, ce sera probablement de créer un mackaton, pour créer les « lodges » pour héberger nos futurs résidents potentiels. On imagine que l’activité pourrait redémarrer avec des écoles, des stages… compte tenu de l’emplacement géographique non loin du Touquet. A terme, des makers locaux pourraient y installer leur lieu de travail ! C’est Holcim qui finance le projet. Je pense que l’on peut recréer de la diversité un peu partout en France, mais on ne peut pas transposer notre makerspace ! On peut en revanche s’inspirer de notre état d’esprit ou bien encore de notre mode de fonctionnement.

Photo de Nicolas Bard : Alfredo Salazar

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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