« Jamais le monde du savoir, de la connaissance, de l’art et du patrimoine n’aura eu une telle place sur nos antennes. Jamais le théâtre n’avait connu auparavant de tels succès d’audience« : alors qu’une étude publiée par Mediamétrie pointe du doigt les fortes corrélations dans les programmations de TF1 et de France Télévisions, et que Nicolas Sarkozy « pense que les programmes de France Télévisions ressemblent encore trop aux programmes d’une chaîne privée« , Patrick de Carolis adopte une posture résolument différente et offensive en ouverture du rapport annuel 2007 de France Télévisions.
Le groupe audiovisuel public, constellation d’une vingtaine de sociétés, filiales et prises de participation, est souvent pointé du doigt pour sa coûteuse complexité. Alors que l’entreprise s’apprête à connaître un bouleversement économique sans précédent avec la restriction progressive de la publicité jusqu’en 2011 sur ces antennes, le rapport annuel met en avant les performances obtenues l’an passé. « En 2007, les résultats financiers positifs de France Télévisions prouvent que service public peut rimer avec efficacité économique. En 2007, le groupe France Télévisions réalise un chiffre d’affaires consolidé de 2 927,7 M€, en augmentation de 2,6 % par rapport à l’année précédente. Cette hausse est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un contexte publicitaire moins favorable qu’en 2006, avec des revenus issus de la publicité et du parrainage en baisse de 1,3%. Les recettes de diversification ont pour leur part augmenté de 18%, s’établissant à 260 M€« , est-il expliqué.
La commission Copé a prévu, dans son rapport remis à Nicolas Sarkozy, une sensible hausse des recettes issues de la diversification du groupe, et du développement du merchandising. Alors que le secteur privé est en pointe sur ce point (M6 Interactions, TF1 Hors-média), France Télévisions fait encore pâle figure dans ce domaine. Son homologue britannique, la BBC, s’illustre dans la diversification avec la vente de ses contenus à l’étranger. Un site BBC France a même été ouvert à l’intention de l’Hexagone. La mise en oeuvre d’une politique davantage tournée vers la convergence des modes de diffusion, le « média global », était aussi préconisée. Avant même l’annonce de ces recommandations, France Télévisions a visiblement souhaité emboiter le pas de cette révolution numérique. « Les téléspectateurs veulent pouvoir regarder n’importe où et n’importe quand des contenus vidéos de qualité et notamment ceux du service public« , est-il expliqué, avec la mise en avant de la refonte des sites de France 2 et de France 3.
La culture et la création comme étandards
Les contenus culturels sont abondamment mis en valeur dans le rapport 2007 de France Télévisions. Alors que la fin de la publicité est censée faire passer la culture de l’audience « de l’obsession à l’ambition« , l’entité présidée par Patrick de Carolis entend faire valoir le bienfondé de sa nouvelle politique éditoriale. « En 2007, la nouvelle politique éditoriale de France Télévisions a renforcé les différences entre notre groupe et les chaînes privées, en conformité avec les valeurs défendues par le service public« , est-il indiqué, une phrase qui prend une résonance toute particulière à la lecture des récents propos tenus par Nicolas Sarkozy. Afin de se démarquer, une stratégie reposant sur trois axes a été développée: le renforcement de la lisibilité des grilles, le développement des contenus culturels, et la recherche de l’innovation. Le volume de documentaires diffusés à l’antenne et la création d’un magazine culturel quotidien en seconde partie de soirée (Ce soir ou jamais !, sur France 3) sont abondamment mises en avant.
Le retour du théâtre en direct fait aussi figure d’atout, tout comme la place – contestable sur certains points – des émissions littéraires. Le groupe audiovisuel a l’intention de faire des efforts sur ce point dès la rentrée, avec une refonte de l’offre. Dans le cadre de sa mission de service public, « le groupe France Télévisions pense chaque genre de programmes comme un générateur de lien social« , est-il rappelé en toute modestie. L’identité des chaînes, redéfinie par la commission Copé, est évoquée sous l’angle de programmes déjà diffusés. France 2 se veut être une « chaîne généraliste populaire« , ce qui, expression isolée, peut tendre à la rapprocher de la vocation d’une grande chaîne privée, tandis que France 4, à la personnalité plus floue, se définit désormais comme « la chaîne créative et accessible des jeunes adultes« .
« Le groupe devra renforcer sa différence en matière de programmes par rapport aux chaînes privées. A l’évidence, nous ne faisons pas la même télévision. Cette différence est notre meilleur atout et nous nous devons de le préserver en consolidant la nouvelle politique éditoriale que nous avons amorcée« , analyse Patrick de Carolis sous forme d’une feuille de route correspondant certes à l’année 2007, mais résolument ancrée dans l’actualité. Pourra-t-il mener à bien ses intentions ? Toujours est-il qu’en cette période de tensions entre le président de France Télévisions et l’exécutif, le premier a mis son poste en jeu. Affaire à suivre.