La compétitivité de la France peut s’améliorer, estime l’association France Qualité, qui regroupe 1500 acteurs publics et privés. La baisse des exportations et le désengagement des salariés figurent parmi les faiblesses du pays, qui peut néanmoins compter sur une attention portée à l’innovation et l’application simultanée par de nombreuses entreprises des normes ISO 9001 (qualité) et 14001 (environnement). Patrick Mongillon, vice-président de l’association France Qualité (AFQP) et pilote du think tank «Made in qualité», qui produit l’étude Quali’Bord, répond aux questions de Business & Marchés.
Pourquoi avez-vous souhaité vous intéresser à « l’état de forme » de la France ?
Patrick Mongillon — Il existe en France et en Europe pléthore de baromètres sur l’innovation, l’économie, les RH… mais aucun indicateur lié à la qualité. Cette absence de référentiel commun limitait jusqu’ici les échanges sur le sujet, qui restaient basés sur des avis, des perceptions. Nous avons voulu mettre de l’objectivité dans ces échanges, en posant des chiffres factuels et indiscutables comme base de discussion. Par ailleurs, nous souhaitions suivre l’évolution des fruits de nos actions dans le temps. Et quoi de mieux pour cela qu’un baromètre ? Pour obtenir un outil pertinent abordant l’ensemble des leviers de la qualité, nous avons créé un tableau de bord avec plusieurs cadrans, comme ceux qu’utilisent les entreprises. Ce tableau de bord mesure ainsi la performance de l’entreprise France par rapport à celle de ses concurrentes européennes.
Comment en êtes-vous arrivés au potentiel d’amélioration de la France de 23%, et comment peut-on le définir ?
Nous nous sommes basés sur les différents scores obtenus via le modèle EFQM, l’un des outils qualité les plus populaires en Europe, qui place la France au 9ème rang des pays européens les plus performants avec 650 points. Pour atteindre la position du premier pays, le Danemark, qui obtient 800 points, la France doit gagner 150 points, et donc améliorer sa performance de 23%. Cet indicateur est particulièrement intéressant car à travers les 9 critères qu’il analyse, il englobe l’ensemble des facettes de la performance d’une entreprise : business, sociétaux… Ce score montre par exemple que la France est au pied du podium sur 2 critères (4ème place pour les partenariats & ressources et résultats personnel), illustration de sa bonne politique sociale, mais qu’en revanche elle pêche fortement sur ses résultats business (22ème).
« Il faut améliorer les connexions public/privé dans l’innovation »
Quels efforts de compétitivité doit-on réaliser en priorité en France ?
Le tableau de bord montre trois grandes tendances.
– La France doit améliorer ses exportations en améliorant sa compétitivité économique hors coût et sa capacité à attirer des talents et des entreprises étrangères (en assouplissant la réglementation du travail, la bureaucratie, les taxes…).
– Elle doit également accroître le nombre de ses démarches qualité : celles que l’on mesure à travers le nombre de certifications ISO mais aussi ses actions d’excellence opérationnelle, telles que l’expérience client, moins facilement mesurables mais qui ont aussi un impact direct sur les résultats de l’entreprise.
– Enfin, si l’innovation progresse en France, il est possible de faire encore mieux, notamment via des connexions public/privé qui favoriseraient les PME.
De quelle manière la politique d’innovation est-elle un avantage par rapport aux autres pays européens ?
Innover, c’est offrir davantage de valeur ajoutée : innover dans le produit permet de vendre davantage, plus cher ou les deux, mais on peut également innover dans le service ou dans l’organisation pour développer la compétitivité hors coût. C’est là que la France a un potentiel d’amélioration, notamment au sein de ses PME. On se rend compte que l’innovation est clé lorsque l’on voit que les pays nordiques qui caracolent en tête du classement sont également les plus innovants.
« Seuls 9% des collaborateurs français sont engagés »
Comment avez-vous mesuré le taux d’engagement/désengagement des salariés et comment peut-on l’interpréter ?
Nous nous sommes basés sur un sondage de l’organisation Gallup, qui a interrogé des collaborateurs dans toute l’Europe et les a classés en 3 catégories : engagés, désengagés, activement désengagés. Seuls 9% des collaborateurs français sont engagés, c’est très peu. La grande majorité des collaborateurs français, sont désengagés : ils attendent la fin de la journée. Plus grave pour la France, 26% de ses collaborateurs sont activement désengagés : ceux-là sont mécontents, ils peuvent être en conflit avec l’organisation, génèrent des incidents. Ces chiffres sont troublants, ils renvoient à plusieurs facteurs et notamment une culture d’entreprise sans doute un peu vieillotte, avec des managers pas assez leaders, une organisation en silo, une hiérarchie trop verticale…
Quel pays se démarque en la matière ?
En observant ce tableau de bord, on constate que c’est le Danemark qui a le plus fort taux de collaborateurs engagés, que c’est lui qui innove le plus (ce qui parait logique de la part d’employés passionnés et investis) et que c’est également lui qui prend la tête du classement EFQM avec 800 points. L’intérêt de Quali’Bord, c’est de pouvoir faire ces corrélations et d’en tirer les conclusions adéquates.