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Etat d'urgence pour la Méditerranée

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Réchauffement climatique, hausse du niveau de la mer, dégradation de la biodiversité: l’environnement méditerranéen traverse une rude épreuve. Les prévisions, alarmantes, appellent à des réponses immédiates.

Porte d’accès privilégiée à l’Europe, à l’Afrique et à l’Orient, la Méditerranée doit faire face à un problème de taille, celui de son climat. Selon les hypothèses les plus alarmistes, la température de l’air devrait s’accroitre de 2,2 à 5,1 degrés d’ici à 2080, et le niveau de la mer devrait s’élever de 35 cm. Le cinquième colloque international du Forum de Paris, lieu de réflexion crée en 1995, s’est tenu le week-end dernier dans les locaux de l’Unesco. En trois jours, l’objet était de dresser un état des lieux et des solutions à mettre en œuvre pour « sauver » la Méditerranée. Samedi, une séance plénière était spécifiquement consacrée à l’impact de ces changements sur la population.

Abdallah Mokssit, vice-président du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) et directeur au Centre de recherches météorologiques marocain, a dressé un constat particulièrement alarmant de la situation. La région Méditerranée doit faire face à un climat particulier, sec et relativement semblable à celui observé en Australie. Les observations formulées entre 1951 et 1990 concluent à une augmentation de la température la majeure partie des années, un phénomène qui semble inexorable.

La mer Méditerranée, lieu de réunion des 21 pays concernés, voit elle aussi sa température s’apprécier. La salinité s’accroît également. En conclusion, la majeure partie des modèles conclut que l’on assistera à une hausse de la température moyenne, une hausse du niveau de la mer, et une accélération des phénomènes extrêmes.

Une autre observation fait ressortir la Méditerranée comme une zone vulnérable. Il y a un aspect lié aux ressources en eau : selon les projections, la population qui sera soumise au stress hydrique devrait grimper d’ici à la fin du siècle. Les modèles concentrés sur la région ont confirmé les grandes lignes des modèles globaux. Les ressources en eau vont diminuer jusqu’à 2030, la recherche de végétation et d’algues devra s’effectuer plus profondément dans les reliefs en raison de la hausse des températures, et les nouvelles cultures devront résister à la sécheresse. Les quantités de précipitations vont diminuer sur certaines saisons, notamment les plus intéressantes au Maroc. En effet, tous les aspects climatiques ont des impacts sur les ressources en eau et la biodiversité. Pour mieux les évaluer, cela nécessite davantage de recherches, mais cela a un coût.

Des échéances plus proches qu’on ne le pense

Le polytechnicien Jean-Marc Jancovici, consultant à l’origine du « bilan carbone », a quant à lui a rappelé « qu’à force de dire qu’on va avoir des ennuis, un jour les ennuis sont là ». Sur le modèle de son dernier ouvrage, C’est maintenant, il a énoncé un bilan alarmiste qui incite résolument à l’action. Quelques faits saillants prouvent cette réalité que l’on ne cesse de dénoncer : le climat change.

Des études paléoclimatiques ont permis de démontrer l’augmentation de température survenue depuis 10.000 ans. Les faits ne sont donc pas nouveaux. Les conclusions sont robustes, et les échelles de temps qui sont devant nous sont beaucoup plus courtes qu’on ne le pense : on vit avec l’idée qu’il ne nous arrivera rien jusqu’au 31 décembre 2099, puisque les prévisions tablent sur de considérables changements en 2100. C’est pourquoi il faut communiquer sur des échelles plus courtes pour lutter contre cette inertie. Le problème climatique va se conjuguer avec le système énergétique.

La Méditerranée devra faire face à un assèchement, en toutes saisons. Il faut commencer à prendre des évolutions fortes avant l’échéance. En 1985, à la sortie du choc pétrolier, on avait une occasion historique de laisser les prix de l’énergie élevés dans les pays importateurs. Cela rejoint la question économique : le produit intérieur brut (PIB), dont on recherche la croissance, n’est rien d’autre que la fiche de paie de l’humanité. On accroit les flux de matières, et à cette occasion les quantités d’énergie consommées. « Nous sommes en train de danser sur un volcan » : il faut se mettre en ordre de bataille.

Un impact non-négligeable sur la santé

L’impact de ces évolutions sur la population pose problème. Pour Habiba Hassan-Wassef, conseillère des autorités égyptiennes sur les politiques sanitaires et nutritionnelles, il faut protéger la santé du changement climatique. Il y a un paramètre qui passe inaperçu : on se penche énormément sur les taux de mortalité, mais il faudrait plutôt parler de la qualité de la vie : on a notamment affaire à des diarrhées constantes. Les enfants, désavantagés, sont menacés par la pollution galopante de l’environnement.

En Egypte, des patients atteints de cancer entrent dans des hôpitaux en zones rurales, ce qu’on ne voyait pratiquement pas il y a cinquante ans. En rive Sud de la Méditerranée, il y a un double fardeau : les maladies de l’Occident auxquelles s’adjoignent les maladies des pays en développement. Cela nécessite une stratégie globale.

Eau: l’efficience comme priorité

Avec l’Union pour la Méditerranée, cette opportunité s’ouvre. Les pays du Nord de la Méditerranée ont une avance de 50 ans sur la préservation de l’environnement. Le Sud, avec sa pauvreté, ne veut pas être retardé par des préoccupations d’ordre environnemental. Il faudrait que l’Europe incite les pays du Sud au débat. La Commission européenne a déjà modifié le programme-cadre de recherche, pour harmoniser les politiques. Dans le Sud, le grand défi est d’identifier les techniques appropriées pour faire face à l’impact sur l’environnement du changement climatique.

Henri-Luc Thibault, directeur du Plan Bleu, un organisme du Programme des Nations unies pour l’environnement, insiste sur l’efficience dans les usages de l’eau : on pourrait ainsi répondre largement à l’évolution de la demande. La technologie doit en premier lieu permettre d’améliorer le transport et la distribution de ces ressources rares. Les solutions « reposent sur une utilisation plus raisonnée des ressources rares dont on dispose », ajoute-t-il au Monde.

Samir Allal, chercheur à l’université de Versailles/Saint-Quentin, complète ce raisonnement en affirmant qu’il « n’y a pas de fatalité à la croissance de la demande énergétique » : on peut travailler différemment sur cette croissance, en favorisant le co-développement entre les deux rives de la Méditerranée. Pour répandre l’économie verte, trois canaux sont essentiels : la force de recherche des universités, la capacité de financement des banques, et le développement de projets par les PME. Autant d’acteurs chargés d’apporter des solutions à ce véritable état de crise.

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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