Comprendre ce qu’est une situation conflictuelle et agressive d’un point de vue psychologique et technique, proposer une méthodologie pour mieux réagir en situation et accompagner une personne post-crise, telles sont les grandes lignes de “L’art de gérer les conflits” (éd. Amphora). Son auteur, Olivier Maillot, formateur spécialisé dans la gestion de crise, décrypte ces enjeux.
Pourriez-vous nous présenter votre parcours ?
Après avoir travaillé pendant plusieurs années dans l’administration pénitentiaire, puis j’ai rejoint une grande entreprise de transports en commun en qualité de responsable sûreté. Par la suite, j’ai intégré un cabinet de conseils spécialisé en gestion de crise. Nous avons créé l’an dernier Bemmol Group avec mon associé. Il s’agit d’un organisme de formation et de conseils spécialisé dans les situations dégradées. Les professionnels de terrain doivent avoir des outils pratiques qu’ils peuvent utiliser dans un contexte de conflits.
Comment avez-vous transposé cette expérience dans votre livre ?
“L’art de gérer les conflits” permet d’avoir une méthodologie pratique afin de comprendre et résoudre les oppositions. Le livre est composé de trois parties. D’une part, “comprendre”: ce chapitre permet au lecteur de cerner les éléments de genèse d’un conflit. Elle illustre le fonctionnement d’une situation d’opposition d’un point de vue psychologique, chronologique et technique. D’autre part, “résoudre”: le lecteur découvre d’une part, les concepts clés pour analyser le comportement de son interlocuteur. Cette partie propose, d’autre part, un référentiel d’actions afin d’intervenir correctement lors d’une crise. Enfin, “accompagner”: ce dernier chapitre propose des principes pour accompagner une personne qui vient de subir une agression.
A quelles demandes de formation répondez-vous dans votre structure ?
Aujourd’hui, nous intervenons régulièrement en animation sur les questions de gestion des conflits et de l’agressivité. Les professionnels se sentent en confiance avec nous car on arrive à retranscrire les situations qu’ils vivent au quotidien et nous leurs proposons des solutions applicables pour s’en sortir. Nous formons aussi bien des collaborateurs que des membres de la direction d’entreprises. Les situations d’agressivité sont malheureusement de plus en plus fréquentes et le contexte renforce les tensions. Il est donc important de pouvoir travailler sur l’ensemble du spectre des situations de violence, à savoir avant – pendant et après, afin de prévenir, agir et accompagner les collaborateurs et les clients. En 2021, nous allons développer un parcours de formation complet qui permettra à un professionnel d’intervenir sur tous les aspects de l’agressivité. Nous ouvrirons également nos actions aux particuliers.
“Derrière chaque professionnel ou client, il y a un humain”
Quels sont les risques nés du nouveau contexte sanitaire ?
Les risques sont multiples, et différents facteurs vont entrer en considération. Les personnes, les clients et les professionnels sont “sous pression”, ils ont parfois peur, sont souvent en colère et le sentiment de frustration est fort. L’application des mesures sanitaires par les entreprises et le rejet de celles-ci par certaines personnes viennent complexifier les relations. On le voit, peut-être trop souvent hélas, que des situations dégénèrent dans les transports en commun, dans les commerces, dans les entreprises ou dans les restaurants car les intervenants tentent de faire appliquer la règle. Les enjeux sont forts et ces situations nuisent aussi bien à l’entreprise (image de marque, perte d’exploitation, absentéisme…), qu’aux personnes (perte de confiance en soi, dévalorisation, craintes…). N’oublions pas qu’il y a un humain derrière chaque professionnel ou client. Les émotions, la motivation et la capacité à agir vont jouer un rôle déterminant. Il est donc primordial d’être au clair sur ce que l’on peut faire, dans quel cadre et comment l’appliquer pour solutionner l’événement
Quelles demandes cela engendre-t-il ?
La demande sectorielle s’est élargie : certains domaines d’activité avaient peu ou pas de besoins auparavant et sont confrontés, actuellement, à des situations qu’ils ne maîtrisent pas totalement car nouvelles. Une chose est sûre : beaucoup de professionnels en contact avec le public étaient déjà en situation difficile avant. Nous intervenons, par conséquent, sur ces questions : comment gérer les situations conflictuelles et agressives dans un contexte professionnel. Nous proposons deux types d’actions: la formation, et l’accompagnement. Nous sommes conscients que le contexte ne permet pas à tout le monde de mettre en place ce type d’actions. C’est pourquoi, je pense que “L’art de gérer les conflits”, de part son accessibilité et son côté pratique, peut dans un premier temps donner des réponses pour mieux réagir. Cela ne remplacera pas la pratique et l’expérience mais il pourra transmettre des clés pour mieux appréhender le quotidien.
Qu’en est-il de la communication non-verbale ?
Le non-verbal (les attitudes, le comportement, la posture…) représentent un peu moins de 55% de la communication. Nous développons dans “L’art de gérer les conflits” toute une partie dédiée à l’analyse du comportement de son interlocuteur. La volonté du livre est qu’il soit pratique. Si nous arrivons à cerner les moments d’inconfort ou de confort ainsi que les phases d’ouverture et de fermeture de la personne cela va nous aider à mieux entrer en relation, à prévenir les comportements violents et désamorcer le conflit avec les outils adéquats. Ainsi, nous proposons au lecteur une posture qui va permettre de limiter les trahisseurs de tensions liées à la situation agressive tout en maintenant la relation client. A titre d’exemple, à la réception d’une entreprise, le risque physique peut être présent.
Comment peut-on adapter son comportement ?
En complément, nous proposons une grille de repères pour évaluer le niveau de vigilance à développer. Cette grille va permettre d’adopter la posture adéquate en fonction du niveau de danger. Une fois le risque physique “limité”, il sera nécessaire d’avoir la bonne prise en charge de la personne récalcitrante. Le comportement de l’intervenant devra aussi renvoyer une image positive et d’écoute car il n’y a rien de pire dans un échange, que de ne pas avoir la sensation d’être écouté ou compris. Cela est d’autant plus vrai dans une situation de crise.