Lancée en 2010, Wimi conçoit des solutions collaboratives en ligne. Portrait de son fondateur, Antoine Duboscq, à la tête du start-up studio AdVentures.
« Président et cofondateur de Wimi, Antoine Duboscq, 49 ans, semblait prédestiné à devenir – et rester – un dirigeant dans un groupe international plutôt que ce parallel entrepreneur, comme il se définit lui-même. Il serait, selon lui, « autodidacte »… Mais le fondateur du startup studio adVentures et président de Wimi est quand même le produit d’un parcours de formation classique.
Après Sup/Spé, puis l’Ecole nationale supérieure d’informatique pour l’industrie et l’entreprise, filière “Maths appliquées et computer sciences”, il applique ses connaissances toutes fraiches aux stratégies mathématiques dans une banque d’investissement : « À l’époque, les ordinateurs moulinaient pendant 3 jours pour détecter des OPA, par la méthode de reconnaissance de formes que j’avais développée. », s’amuse-t-il aujourd’hui. « Mais ça marchait. Mon modèle était en avance à l’époque : aujourd’hui, certains hedge funds vont plus loin ! J’ai parfois la tentation de créer une startup en exploitant la puissance de calcul d’aujourd’hui … »
Diplôme d’ingénieur en poche, il s’éloigne des marchés financiers pour élargir sa palette en intégrant un 3e cycle HEC et décrocher le Master spécialisé Strategic Management. Mais il se trouve « trop intello » ! La vie est un combat et il veut se préparer à devenir un jour « chef de guerre »… Alors, pour son service militaire et, (déjà !) pour ne pas faire comme tout le monde (« la coopération était la norme pour les jeunes diplômés »), il choisit l’École des officiers de Saumur. « Pour le management, Saumur, c’était le top ! Et aussi pour l’esprit de décision. Dans une bataille de char, la victoire ou la mort, ça se joue en secondes… ». Promu officier, il commande un peloton de chars en Allemagne et se distingue de ses collègues officiers de carrière avec une méthode de commandement des tirs qui laisse une plus large part d’initiative à ses subordonnés.
A l’école du terrain
Faire confiance, inspirer, déléguer, mais aussi savoir prendre seul des décisions qui seront ensuite validées par le succès ou la hiérarchie… après l’armée, Antoine va en faire l’expérience, en intégrant Procter & Gamble. « C’est un très beau modèle managérial. C’est l’école du consensus rationnel. Et une machine bien pensée pour gérer un portefeuille business diversifié. On m’a d’abord confié les budgets marketing des marques de lessives. Puis, P&G ayant fait l’acquisition de Demak’Up, j’ai découvert l’usine. L’usine, ce sont d’abord des hommes et des femmes. Et bien souvent, c’est auprès des plus modestes que l’on trouve les pistes de solutions… Ça, on ne te l’apprend pas dans les grandes écoles ! » Le goût des autres, cette appétence pour la différence, la diversité et la confrontation des points de vue, voilà encore un des traits saillant de ce caractère hors du commun…
Quatre ans plus tard, il est approché par The Boston Consulting Group, qu’il rejoint pour continuer à se former à la stratégie, cette fois en conseillant des directions générales de grands groupes. « Encore une entreprise-école… Et une boite fondée sur une volonté d’excellence. Je suis resté deux ans au BCG. Des années qui comptent double, intenses et passionnantes. »
Wappup ou la bataille de l’internet mobile
1999. Antoine ne veut pas terminer le millénaire sans avoir engagé son premier vrai combat économique en prenant les risques d’un entrepreneur. Or la “bulle internet” est en pleine expansion… Avec un copain, François de Guitaut, il crée Wappup, le premier portail internet pour mobile. Ils lèvent 2,5 millions de francs, lancent leur plateforme avec succès, mais l’initiative n’est pas du goût des opérateurs, qui pensaient alors pouvoir contrôler l’accès à ce marché naissant et décident de bloquer l’accès aux terminaux. Wappup est à genoux, mais l’arme blindée cavalerie, ça ne s’oublie pas !
« Puisque les opérateurs nous tuent économiquement, on va utiliser nos derniers fonds pour leur faire le plus mal possible. On a assigné Michel Bon (alors PDG de France Télécom) en référé d’heure à heure… » Surtout, Antoine engage le fer dans les medias… L’impact est retentissant. « Le jour du procès, la salle était pleine de journalistes. On a gagné et libéré l’internet mobile. Les utilisateurs devenaient libres de choisir. La jurisprudence Wappup a été appliquée en Europe, ce qui a contribué à lui donner une longueur d’avance, en matière d’usages, sur les Etats-Unis. »
Place au conseil
La bataille à peine achevée, arrive une autre épreuve plus redoutable : la crise financière de 2000, qui fait s’effondrer les marchés et gèle les investissements. Pourtant, Antoine et son associé parviennent à sauver l’entreprise, cas rare parmi les startups de l’époque, « au prix d’un pivot radical », car la startup est transmutée en cabinet de conseil en stratégie, WMI. Et le modèle s’avère un succès : Antoine rachète en 2005 les parts de ses investisseurs et de son associé, monte une équipe d’une quinzaine de consultants et multiplie les interventions auprès de dirigeants. De 2001 à 2010, plus de 12 millions d’euros d’honoraires sont ainsi facturés par WMI : Orange, Sodexo, Adidas, Siemens, et bien d’autres encore, comme la Caisse des Dépôts ou le Paris-Saint-Germain, ont un jour ou l’autre fait appel à WMI pour concevoir une stratégie de création de valeur offensive.
« Les circonstances m’avaient permis de monter une belle boutique de conseil mais j’avais un peu perdu de vue l’intention première : l’entrepreneuriat. » Alors, à l’été 2010, il décide de réinvestir les gains de cette première aventure entrepreneuriale, environ deux millions d’euros, dans la création du premier startup studio français. Encore fallait-il un premier beau projet pour le studio… Et c’est Lionel Roux, son directeur associé au sein de Wimi, qui lui apporte l’idée : « Un jour, Lionel me parle de son idée de concevoir pour le cabinet une plateforme de travail équipes/clients. J’ai tout de suite aimé : le travail en équipe est hélas souvent inefficace, le numérique allait enfin apporter une réponse ! »
Antoine propose d’aller plus loin, en créant une entreprise dédiée. Il alloue les fonds et confie naturellement la direction opérationnelle et la stratégie produit à Lionel Roux, qui monte l’équipe et s’attelle à la conception du prototype. « La R&D s’est avérée plus complexe que prévue : la version opérationnelle a été lancée en 2012 et la monétisation a attendu 2013. » En 2017, en réponse à la demande d’un grand industriel français travaille à la conception d’une plateforme numérique souveraine à haute sécurité, « Wimi Armoured », un clin d’œil à l’univers militaire, a été lancé. »
3 questions à Antoine Duboscq
Comment peut-on définir un start-up studio ?
AdVentures est un start-up studio, un type de structure en plein développement, dont l’objet est de créer des start-up. Un incubateur ou un accélérateur accompagnent des sociétés, alors que nous créons nos propres entreprises.
Quelles sont les principales activités d’AdVentures ?
Le studio a été crée en 2010. J’ai créé quatre entreprises en sept ans dans le cadre du studio (cinq créations dont un échec, dans le domaine de la biotechnologie, avant de trouver un modèle différent). Wimi est un outil collaboratif, GEG Tech, une deep-tech spécialisée dans l’immunothérapie, Eloquens, une place de marché de connaissances depuis 2016, et Uart, un site destiné à faire connaître l’art au plus grand nombre. Nous voulons, dès 2019, passer au rythme d’une création par an. Certaines entreprises ont vocation à être vendues, d’autres à être consolidées dans la durée.
Quels sont les avantages en termes de développement des entreprises ?
Nous sommes une organisation où nous apprenons, tous ensemble, à réussir nos entreprises. Je suis un producteur : choisir un réalisateur, des acteurs, des moyens… Un film se joue sur plusieurs mois, une start-up sur plusieurs années. Pour créer son entreprise, il faut s’interroger sur ses attentes. On peut apprendre l’entreprise comme un métier, avec ce nouveau modèle des studios.