Alain Amariglio, auteur du livre «Il était une fois une start-up», revient sur l’actualité des start-up depuis 1988.
Ingénieur et enseignant, Alain Amariglio a cofondé en 1988 SLP Infoware, un éditeur de logiciels in fine revendu à Gemalto. Il raconte, dans le livre «Il était une fois une start-up» à paraître le 22 septembre aux éditions La Différence, l’histoire de cette start-up qui, bien avant la consécration du terme, a vécu de nombreuses péripéties qui ne sont pas étrangères aux créateurs d’entreprise d’aujourd’hui.
Il présente l’ouvrage à Business & Marchés.
Pourquoi avez-vous choisi de raconter l’histoire de SLP InfoWare, de sa création jusqu’à son rachat-absorption?
Alain Amariglio – J’ai créé SLP Infoware avec trois amis ingénieurs de Télécom Paris Tech en 1988 et l’entreprise s’est ensuite beaucoup développée, affinant peu à peu son positionnement pour devenir un acteur innovant de ce que nous appelions alors le predictive CRM. Nous proposions, notamment aux opérateurs télécom, des logiciels de statistiques et de machine learning capables d’extraire de leurs bases de données les profils des clients fidèles ou infidèles. Cette histoire, avec ses phases d’accélération, ses rebondissements, ses accidents, a duré quinze ans et a toujours été d’une grande intensité. J’ai éprouvé le besoin d’en dégager les lignes de force, d’abord pour mieux la comprendre moi-même, puis pour les faire partager à des lecteurs intéressés par le monde de l’entreprise, et plus particulièrement par la réalité des start-up. Je raconte une histoire vraie, vivante, en privilégiant d’une part l’aventure humaine, d’autre part les logiques économiques à l’œuvre.
En quoi l’histoire de cette entreprise préfigurait-t-elle l’engouement que l’on connaît aujourd’hui pour les start-up?
En France, en 1988, la création d’entreprise n’était pas un sport très pratiqué, même en sortant d’une école d’ingénieur. Pourquoi le faisait-on, ou, du moins, pourquoi l’avons-nous fait ? Pour continuer à travailler dans un groupe d’amis, à taille humaine, loin des grands groupes où nous avions, pour la plupart, effectué nos stages. Une forme de liberté, réelle ou fantasmée, l’attrait pour une entrée un peu aventureuse dans le monde du travail, ont fait le reste.
Quelles sont les différences avec l’environnement actuel?
Il me semble que, si ces motivations sont toujours présentes, d’autres se sont ajoutées chez les jeunes créateurs d’entreprise. A commencer par la difficulté de trouver un travail, ce qui n’était pas le cas, pour nous, en 1988. Il faut aussi parler de la fascination pour les grands succès, encore pionniers à l’époque (Microsoft) mais nettement plus nombreux et rapides aujourd’hui, et surtout de l’effet d’entraînement de ce qui est désormais vu comme une possibilité parmi d’autres pour démarrer sa vie professionnelle. Créer son entreprise est aujourd’hui un choix parmi d’autres. Le principal point commun entre hier et aujourd’hui, c’est l’aventure.
«Un peu d’information préalable peut permettre d’éviter de graves écueils»
Quelles leçons avez-vous tiré de cette aventure?
Au-delà des mots start-up ou high-tech, il y a des aventures humaines d’une grande intensité, et des mécanismes économiques. Avec, bien sûr, la part du talent, du travail, de la chance, du contexte, des rencontres… Ces quinze années ont donc été extraordinairement formatrices pour les quatre quasi-étudiants, jeunes créateurs d’entreprise, n’ayant encore presque rien vu, que nous étions. J’en ai tiré de nombreuses leçons. La principale : même si jouer à un jeu dont on ignore les règles peut être excitant, ce n’est pas forcément conseillé. Un peu d’information préalable ne nuit pas ou, pour le dire autrement, peut permettre d’éviter de graves écueils. D’un autre côté, on dit souvent que l’expérience est une lanterne qui éclaire le chemin parcouru… Je persiste à penser que connaître quelques histoires, parcours, situations type, problèmes concrets, peut être d’un grand secours. J’espère y contribuer un peu avec ce livre dont la plupart des aspects sont toujours d’actualité.
Quel regard portez-vous sur l’univers des start-up d’aujourd’hui ?
Sa vitalité est exubérante. Dans la Silicon Valley, l’emballement est particulièrement frappant. Mais je suis aussi frappé par le nombre de start-up qui se créent en France. Il semble que cette possibilité soit désormais envisagée naturellement parmi les choix possibles pour l’entrée dans la vie active. C’est sans doute lié à la situation de l’emploi, mais pas seulement. Une certaine masse critique a peut-être été atteinte, permettant un effet de réseau et une réaction en chaîne, d’autant que sont nés des écosystèmes qui n’existaient pas au moment de la création de SLP et sont aujourd’hui bien actifs. Je consacre un chapitre à la recherche de locaux et à toutes nos petites mésaventures pour en trouver, il me semble que si cet épisode reste plaisant à raconter, il n’est plus guère d’actualité avec le foisonnement de pépinières et d’incubateurs. Il est vrai aussi que cette intensité n’égale pas celle de la Silicon Valley où, soit dit en passant, la communauté française est particulièrement présente et dynamique. Que les GAFA soient ou non un modèle (personnellement je ne le pense pas), le fait est qu’elles se trouvent ici…