Consultante spécialisée dans l’univers de la bière depuis plus de vingt ans (formation, rédaction, accompagnement de projets), Elisabeth Pierre a mis en ligne une carte recensant les différents moyens pris par les brasseurs artisanaux pour continuer à s’assurer des débouchés.
A l’heure où nous écrivions, 600 initiatives étaient recensées. “J’ai constaté début avril qu’il y avait beaucoup d’initiatives de soutien aux restaurateurs, mais peu pour la filière de la bière”, indique-t-elle. Elle s’apprête par ailleurs à consacrer une deuxième saison de son podcast “La brasse” à la solidarité dans le secteur, et revient sur l’activité des dernières semaines.
De quelle manière l’arrêt du réseau cafés-hôtels-restaurants affecte les brasseurs?
La fermeture des bars-restaurants est dramatique pour les brasseurs, mais la situation est très variable. Dans un village, de toutes petites brasseries qui vendent sur place et en commerces de proximité sont moins impactées. Celles qui sont majoritairement en fûts, essentiellement auprès du réseau CHR, sont plus touchées. Il y a aussi la solidité financière plus importantes des brasseries s’étant lancées il y a quelques années que certaines qui se sont crées plus récemment, ne serait-ce que pour la relation établie avec les banques.
Comment le confinement a-t-il cassé la dynamique du marché?
Il y avait une progression exponentielle pour tout le monde, qui a été coupée de plein fouet. La majorité des brasseurs étaient engagés dans une phase de développement, soit en s’équipant de matériels supplémentaires ou plus capacitaires, soit en déménageant ou en recrutant. Par ailleurs, de plus en plus d’établissements de type brewpub étaient en train de voir le jour. Il est plus facile de vendre sur place que de la commercialiser ailleurs. Ce modèle était jusqu’alors peu développé en France par rapport à d’autres pays d’Europe. Les ouvertures de ces bars n’étaient pas forcément l’apanage des centres urbains. Sur les deux dernières années, nous avons assisté à l’émergence d’une forme de lieux redynamisant la brasserie, dans les villes et dans les campagnes. Le nombre d’ouvertures de caves à bière était également phénoménal !
Quelles solutions ont principalement été déployées?
Les brasseurs sont nombreux à recourir à la vente en ligne. La plupart n’étaient pas équipés en sites Web marchands. La mise en place de « drives » en organisant l’espace de leurs locaux s’est effectuée par endroits. Il y a aussi des regroupements de brasseurs, entre eux ou avec des producteurs locaux (fromagers, maraîchers…) Dans le Val d’Oise, Fabien Nahum (Hespebay) s’est ainsi rapproché des producteurs de son village : cidre, beurre… A Brest, deux brasseurs ont centralisé les commandes en drive des six brasseries de la ville. Les différentes entreprises proposent des packs panachés. A Cherbourg, une caviste disposant d’un bar a dû trouver des solutions : livrer dans tout le Cotentin, avec les produits de ses collègues commerçants (fromagers, pain…)
Qu’en est-il du devenir de la filière?
Globalement, la plupart des brasseurs artisanaux ont mis leurs salariés au chômage partiel ou technique. Ils ont aussi dû se mettre à jour sur l’administratif. Il n’y a pas de date de reprise. Dans les restaurants, l’activité à emporter peut exister. La bière en bouteilles peut s’y glisser. Pour les bistrots, pubs, bars… c’est la catastrophe absolue. Imaginer y aller avec des masques va être difficile. Par ailleurs, dans quelle mesure les dispositifs de soutien vont-ils perdurer ?
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.