Un rapport met en exergue les faiblesses de la France en matière d’exposition aux variations des prix du pétrole. Ses auteurs appellent à une amplification du recours aux énergies alternatives, lequel s’annonce complexe.
Les experts mandatés par le Conseil économique et social sont catégoriques : un prix du pétrole élevé impacte l’activité, mais la France a les moyens de tirer son épingle du jeu. « La hausse du prix du pétrole augmente les coûts de production et réduit ainsi les capacités de l’économie française à créer ou, plus exactement, à distribuer des richesses » (p.60), est-il précisé dans un rapport intitulé « Les effets d’un prix du pétrole brusque et volatil », publié début septembre.
Alors que l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) fête cette année son cinquantième anniversaire (elle détiendrait aujourd’hui près de 70% des réserves mondiales), les pays industrialisés sont confrontés à un nouveau risque d’emballement des prix de l’or noir, sur fond de demande croissante en provenance des pays émergents et d’incertitude sur les quantités encore réellement disponibles.
Une dépendance au pétrole en recul, mais toujours prégnante
D’une manière générale, l’intensité énergétique, à savoir le rapport entre la consommation d’énergie et la production nationale, a baissé de manière importante (p.20) depuis 1973, date du premier choc pétrolier. L’offre proposée par les entreprises avait été, lors de cet épisode, impactée de manière forte, l’augmentation des coûts de production obligeant les firmes à réduire la voilure : baisse des quantités produites ou arrêt de la fabrication pour celles n’ayant pu supporter une telle hausse.
L’intensité énergétique du PIB de la France est, aujourd’hui, moins forte que celle des Etats-Unis, mais notre dépendance au pétrole est plus affirmée qu’en Italie, en Allemagne ou au Royaume-Uni, lequel présente la particularité d’être davantage spécialisé dans les services. Dans le monde, ce sont les transports et l’industrie qui requièrent les plus forts besoins en pétrole : compte tenu de son profil (p.18), la France n’échappe pas aux conséquences de fortes variations des cours, notamment en cas de hausse. Une situation à replacer dans son contexte : la part du pétrole dans la consommation totale d’énergie primaire a été divisée par deux, passant de 67% en 1973 à 33% en 2007.
Des effets visibles sur l’économie
La structure de la consommation française en matière d’or noir a profondément changé ces dernières années (p.15), la consommation d’énergie dans la production – industrie, agriculture – reculant et celle des transports s’accroissant de manière significative. Le pétrole remplit, dans ce domaine, 95% des besoins, 48 millions de tonnes – sur les 90 millions importés chaque année – y étant consacrés.
Si le véhicule électrique connaît aujourd’hui un second souffle par le biais de quelques constructeurs ou industriels – Renault, Bolloré… -, il n’en demeure pas moins une solution appelée à rester, compte tenu de son coût et des contraintes qu’elle engendre en matière d’autonomie, relativement marginale dans les usages. Les entreprises représentent les premières cibles de ces nouvelles voitures, dont le développement sera surveillé de près. Pourtant, « les hausses du prix du pétrole ont indéniablement contribué à réduire sa consommation » : raison de plus pour inciter au développement d’initiatives en faveur d’une limitation des besoins en produits raffinés. La consommation de carburant par voiture a chuté de manière drastique au cours des années 1970, avant de connaître un recul plus lent par la suite.
Trois secteurs (p.75) sont identifiés par les auteurs du rapport comme particulièrement sensibles aux variations des prix du pétrole, la notion de mobilité constituant leur dénominateur commun.
L’automobile, d’une part : l’accès de hausse des cours, en 2008, avait provoqué un mouvement d’hésitation auprès de nombreux ménages quant à l’achat d’un véhicule, interrogation balayée deux ans plus tard par le succès des primes à la casse en Europe. Le succès de la Toyota Prius, véhicule hybride, est symptomatique de la situation actuelle : les carburants d’origine fossile demeurent incontournables, mais peuvent, dans une moindre mesure, faire l’objet d’une substitution.Le niveau de prix actuel est par ailleurs en passe d’être considéré comme proche de « l’équilibre » entre producteurs et consommateurs par de nombreux analystes. « Un prix entre 72 et 82 dollars le baril est confortable avec la situation actuelle », expliquait en septembre dernier à l’AFP le secrétaire général de l’Opep, Abdalla Salem El-Badri.
Le transport routier, d’autre part : la livraison de marchandises s’avère indispensable au fonctionnement de l’économie. Les alternatives à la route se développent lentement mais sûrement (ferroutage, merroutage), les derniers kilomètres demeurant toujours l’apanage du réseau routier. Le coût de ces nouvelles solutions, et les conditions de leur mise en œuvre, font toujours office d’obstacles, soit financiers, soit techniques. Selon une estimation de la Fédération nationale des transporteurs routiers, 27% des coûts du transports de longue distance sont imputables aux dépenses de gazole, la concurrence d’entreprises de pays de l’Est, à la réglementation moins forte, faisant par ailleurs pression sur les plus petites entreprises du secteur, les PME constituant l’essentiel des firmes en la matière.
La pêche, enfin, où 24.000 personnes embarquées sur près de 8.000 navires sont essentiellement employées par de petites structures. Si les plus importantes entreprises peuvent investir, en raison de leurs capacités financières plus fortes, dans des navires moins économes en carburant, force est de constater que le rythme de renouvellement de la flotte s’avère particulièrement lent. Le Plan d’action pour une pêche durable et responsable, adopté en 2008, prévoit certes une somme de 12 millions d’euros dans l’objectif de diminuer la dépendance des bateaux de pêche au gazole… mais l’audit est encore en cours.
Et demain ?
Le développement des énergies renouvelables apparaît comme une perspective nécessaire compte tenu de l’épuisement annoncé des réserves pétrolières, mais conditionné au développement de véritables filières sectorielles et d’un cadre juridique et financier stable. Ce qui est loin d’être actuellement le cas, les tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque ayant, à titre d’exemple, récemment connu une baisse drastique, et les avantages fiscaux rabotés afin d’éviter un trop brusque emballement des capacités installées – engendrant des problèmes de financement. Selon Le Point, les subventions aux énergies renouvelables auraient coûté 4,5 milliards d’euros par an aux clients d’EDF – soumis à contribution- contre 1,5 milliard initialement escomptés.
La question de la volonté politique est également posée : alors que le solaire contribue à 2% de la consommation d’électricité allemande, il plafonne à 0,1% dans le cas de la France. 100.000 personnes sont employés par la filière outre-Rhin, dix fois moins dans l’Hexagone, lequel bénéficie pourtant d’un ensoleillement plus prononcé !
« Un choc pétrolier n’a pas que des conséquences négatives pour l’économie française. Celle-ci peut s’adapter de différentes façons à la nouvelle donne énergétique », rappelle le Conseil économique et social. Un appel délibéré au recours aux énergies alternatives, lesquelles risquent de voir leur prix rapidement progresser sous l’effet de la demande. Une société clermontoise planche sur l’élevage de micro-organismes issus de matières végétales à même de remplacer les composés organiques issus du pétrole ou du gaz : un signe concret que même sans pétrole, on a des idées…