La faim provoque la flamme. Des manifestations ont entamé la mobilisation de populations de pays émergents ou du Tiers-Monde, principalement africains, fin février au Burkina-Faso, en Mauritanie puis au Cameroun – 40 morts. Un mois plus tard, ce fût la capitale sénégalaise Dakar qui s’enflammait et désormais l’Egypte et Haiti. Ainsi, 33 Etats sont actuellement confrontés à des troubles économiques et sociaux, selon la Banque Mondiale. « Il va falloir doubler la production agricole mondiale d’ici à 2050 pour nourrir 9 milliards d’habitants sur la planète« , a expliqué Michel Barnier, ministre français de l’Agriculture.
Selon l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les prix alimentaires ont dans l’ensemble augmenté de 35% entre janvier 2007 et janvier 2008. Plus globalement, la Banque Mondiale estime cette hausse à 83% sur les trois dernières années. En cause dans cette flambée, la demande. Des puissances émergentes telles que l’Inde et la Chine voient les comportements de leurs habitants évoluer, ces exportateurs de denrées passent progressivement au rôle d’importateur. Parallèlement à ce facteur, la démographie grandissante des pays du Sud amène une hausse de la demande qui n’a pas été anticipée suffisamment tôt.
Les agrocarburants sont aussi incriminés. Ce sont les Etats-Unis qui ont initialement encouragé le développement de la filière éthanol. « La quasi-totalité de l’augmentation de la production mondiale de maïs, de 2004 à 2007, a été absorbée par la production de biocarburants aux Etats-Unis. Au même moment, l’augmentation de la consommation de maïs dans le monde asséchait les réserves existantes« , indique la Banque Mondiale dans une note rendue publique jeudi dernier. Le subventionnement des agriculteurs afin qu’ils s’orientent vers la production de combustibles est particulièrement incriminé; cette pratique constituant aux yeux de la Banque Mondiale une incitation à réduire la part des terres consacrées à l’alimentation.
Enfin, la spéculation est au coeur de ces hausses de tarifs. Bon nombre d’investisseurs se sont rabattus sur les marchés des matières premières, faisant office de valeurs refuge, à la suite de la crise financière déclenchée à l’été dernier. Face aux faibles rendements des actions, le riz thaïlandais, pour ne citer que lui, semble davantage prometteur: ses cours ont en effet doublé en quelques mois sur les marchés à terme du Chicago Board of Trade.