Face à des plans sociaux, de nombreux salariés radicalisent leur action pour médiatiser leur cas et interpeller les pouvoirs publics. Une attitude qui n’est pas nouvelle.
New Fabris, Nortel, JLG France, Molex, SKF, Legré-Mante : cet été, les théâtres de conflits sociaux n’ont pas manqué. En trame de fond, des plans de licenciement et de restructuration qui pénalisent des usines entières et les bassins d’emploi qui vont avec. Dans la plupart des cas, l’unité de production est le principal employeur de la région ou de l’agglomération, voire le seul. Pour alerter les médias et mettre en valeur des revendications, les conflits sociaux tendent à se radicaliser. Ces derniers mois, la montée des tensions, à la faveur de la crise, a été particulièrement visible, quitte à se banaliser.
Le 12 juillet, des salariés de l’équipementier automobile New Fabris, à Châtellerault, exigeaient une prime de départ de 30.000 euros en menaçant de faire sauter les locaux. Le 13, c’était au tour de la filiale française de Nortel, située dans les Yvelines, de faire la Une de l’actualité avec des menaces similaires. Mi-août, des bouteilles de gaz étaient disposées devant l’usine du distributeur d’équipements d’accès JLG France, en Lot-et-Garonne. Le tout avec des résultats contrastés, l’intervention du ministre de l’Industrie Christian Estrosi ayant contribué à faire avancer plusieurs dossiers.
Cette montée en puissance des conflits sociaux, avec des modes d’expression de plus en plus spectaculaires, apparaît comme un des éléments les plus frappants de la crise. Pourtant, de telles méthodes ne sont pas inédites, mais attirent davantage l’attention des médias, contexte économique et social oblige. En 2000, un déversement d’acide sulfurique, stoppé par les bassins de décantation de l’usine, était effectué par des ouvriers de Cellatex, dans les Ardennes : ce conflit, long et particulièrement médiatisé, marque alors les esprits.
La séquestration, moyen privilégié
Il ne faudra attendre que deux ans pour assister à l’enchevêtrement de plusieurs techniques d’action au cœur d’un conflit social, à l’usine Daewoo de Mont-Saint-Martin, en Meurthe-et-Moselle. L’entreprise sud-coréenne, qui s’est installée en bénéficiant d’aides publiques, est en proie à un dépôt de bilan. Le scandale s’adjoint à la détresse des employés, qui menacent de déverser des produits chimiques, et procèdent à l’occupation de l’usine ainsi qu’à la séquestration des dirigeants. En 2006, on franchit un pas dans la violence avec la prise d’otage, par des salariés, du directeur général de Duralex (Loire) dans l’objectif de débloquer les primes de licenciement.
En 2008 chez Kléber à Toul – usine depuis fermée, entraînant 826 licenciements-, puis chez Sony en mars et à d’autres reprises dans l’année, ce sont principalement les séquestrations qui ont servi de moyen de pression. Olivier Labarre, directeur d’un cabinet de conseil en management, expliquait au printemps dernier à Libération cette radicalisation des conflits par « la nature du dialogue social dans notre pays. On a une culture très revendicatrice qui pousse à ça ».
Pourtant, les auteurs d’une séquestration risquent une peine de vingt ans peut être abaissée à cinq ans et 75.000 euros d’amende en cas de libération de la victime sans atteinte physique avant le septième jour. Des menaces de sanction rappelées par l’Etat.
Cette radicalisation des conflits sociaux, qui émergent en période de crise, ne semble toutefois pas faire l’objet d’abondantes mesures préventives au sein des entreprises : seules 32 % des firmes ont mis en place un système de conciliation des conflits collectifs.