Le naufrage du Costa Concordia met en exergue les grands mouvements dans le secteur de la croisière, et pourrait affecter ses performances économiques.
La polémique enfle après le naufrage, vendredi soir, du paquebot Costa Concordia, qui transportait 4.229 passagers. Le commandant aurait en effet abandonné son navire, constituant un chef d’inculpation à son encontre. Arrêté par la police italienne, le naufrage ainsi qu’un homicide multiple lui sont reprochés. Les critiques fusent par ailleurs sur le comportement de l’équipage, insuffisamment formé et éprouvant des difficultés à communiquer selon de nombreux rescapés, ainsi que sur l’état des matériels de sauvetage.
Ces multiples accusations représentent un coup dur pour Costa Croisières, propriétaire du bateau – le « fleuron » de la flotte, selon la compagnie – et organisateur de la traversée avortée. Au-delà des coûts représentés par l’accident, notamment humains, environnementaux et matériels, c’est une image dégradée qui risque de coller au leader européen de la croisière, filiale du numéro un mondial du secteur, l’américain Carnival. Costa n’est, en effet, pas novice en la matière.
L’entreprise, qui a embarqué 2,8 millions de clients en 2010, a changé de dimension en l’espace de dix ans. Transportant 383.000 passagers en 2000, Costa Croisières a entrepris un virage en direction du grand public, recentrant sa stratégie sur les prix et l’accroissement de sa flotte. Sur une période de treize ans, s’étalant jusqu’en 2012, l’entreprise a prévu de mettre en service treize nouveaux navires (d’un coût d’environ 500 millions d’euros chacun), parmi lesquels le désormais tristement célèbre Concordia. Cinquante-huit suites, quatre piscines ou encore treize bars étaient offertes aux passagers de ce mastodonte des mers, inauguré en 2006.
Un important bassin de clients potentiels
La démocratisation des croisières constitue en effet un véritable enjeu pour les professionnels, seuls 16% des Français ayant déjà effectué un séjour de ce type, selon une enquête de l’institut GfK datant d’octobre dernier. 46% des Français ayant l’intention, dans les cinq années à venir, de partir en croisière, le réservoir potentiel de clients semble en effet particulièrement important, d’où une course au renforcement des capacités d’accueil, au développement des services, et à une pression constante sur les coûts pour permettre de proposer une politique tarifaire plus agressive.
Avec 30% de passagers supplémentaires en 2011, Costa s’inscrit de manière réussie dans cette démarche, mais pourrait avoir affaire, dans les prochaines semaines, à un éventuel mouvement de réserves exprimées par des consommateurs jusqu’alors tentés par un voyage en bateau. A l’instar de ses concurrents, parmi lesquels MSC, son plus sérieux rival, l’entreprise devra entreprendre un travail de pédagogie, et gérer, sur un plan plus direct, les suites de l’affaire et ses retombées médiatiques. Le chiffre d’affaires des croisiéristes augmentant, en France, de 10% par an, l’enjeu est en effet particulièrement fort.
« La croisière attire des consommateurs qui n’avaient jamais pensé à elle comme à un produit de vacances », estimait en juillet dernier le président de Costa Croisières, Pier Luigi Foschi, selon l’AFP. Rassurer ceux-ci sur la sécurité et la compétence des équipages constituera sûrement un travail de fond dont devra s’acquitter la compagnie pour continuer de faire rêver.
Croisières : des « carences » à bord des bateaux ?
Consacrant, sur son site Internet, un dossier au secteur de la croisière, le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie se révèle particulièrement disert en matière de critiques à l’égard des pratiques constatées, mais relève de sensibles améliorations au fil de ces dernières années.
L’objectif, pour le ministère, est de renforcer la coopération et les échanges entre les acteurs français du tourisme et ces entreprises transnationales, afin de pouvoir bénéficier de retombées économiques supplémentaires. Ainsi , « la quasi absence de nationaux à bord des paquebots parmi les personnels de cuisine, d’accueil et d’hôtellerie, nécessite information et initiatives », tandis que les escales sur nos côtes doivent être, à l’avenir, renforcées.