Cofondateur de la microbrasserie Outland, installée à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), Yann Geffriaud décrypte l’évolution du marché de la bière artisanale.
«Nous savions, il y a un peu plus de dix ans, quand nous avons découvert la bière artisanale et sa révolution aux Etats-Unis, que des répercussions se produiraient à un moment où un autre en France. Le fait de se savoir précurseur et pionnier a participé à notre envie d’essayer de se lancer dans l’aventure.
Un des grands enjeux qui existe et s’accélère aujourd’hui est la vague de rachats et les implantations à l’étranger. Comment vont coexister des multinationales et des petites brasseries artisanales ? Un débat existe sur la définition même du mot artisanal et craft. Plus que la définition, ce sont bien les enjeux et les motivations des créateurs de brasseries qu’il faut définir sans pour autant systématiquement les opposer.
Aujourd’hui, dans le monde et en France (alors qu’elle a été longtemps à la traine), les banques, les investisseurs ont identifié la brasserie artisanale comme un marché porteur. Il existe donc maintenant dans les créateurs de nouvelles brasseries aux profils et porteurs de projets très différents : Certains pensent que l’unique enjeu ou critère valide est le goût de la bière, d’autres que c’est une réflexion plus générale qu’il faut avoir. En bref, les enjeux économiques actuels de la bière artisanale font surgir des positionnements politiques.
«Aux Etats-Unis, la question de la réindustrialisation se pose»
D’une certaine manière, la brasserie artisanale a évolué de façon assez logique et est dans l’air du temps. Au départ, la motivation d’une poignée de personnes désolées de la standardisation engendrée par l’industrialisation de la bière avaient décidé il y a presque trente ans aux USA de se remettre à brasser chez eux. Puis ils ont ouvert les premières micro-brasseries nouvelles générations (Sierra Nevada étant un peu l’exemple type). Trente ans plus tard, la question d’une réindustralisation se pose. D’un côté, les rachats par les trois uniques groupes mondiaux s’accélèrent. De l’autre, les gros qui restent indépendants s’installent à l’étranger et reproduisent en partie, les techniques d’envahissement de marché des trois multinationales.
Pour autant, dans l’air du temps il y a également l’envie manifeste d’une certaine partie de la population d’un retour vers un système plus simple, plus petit, plus local. Du coup, je ne pense pas que les petites brasseries artisanales soient véritablement menacées ni qu’elles le seront dans le futur. Je pense par contre qu’il faudra sans doute être assez clair dans ses choix et que ceux-ci devront être en correspondance avec le réseau de distribution, la taille de l’installation et la gamme de prix.»
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