Les armateurs font face à la contraction des échanges internationaux. Les tribulations des cours du pétrole, les difficultés des établissements financiers et des capacités trop importantes ont affecté les transporteurs.
Quatre mille navires achetés l’an dernier, seulement huit depuis le début de l’année : la brutale contraction du nombre de navires mis en chantier illustre les difficultés traversées depuis l’automne dernier par les armateurs, subissant la crise économique et la baisse des échanges au niveau mondial (en recul de 9 % en un an). Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le leader du marché du conteneur Maersk s’attend à une chute de 35 % de son bénéfice net en 2009, et les coûts du transport maritime ont baissé en moyenne de 75 %.
La mise en faillite de Lehman Brothers, en septembre dernier, a amplifié les ennuis auxquels font face les armateurs, qui ont encaissé la flambée des cours du pétrole au cours du premier semestre 2008 avant de dévisser, une chute à laquelle a succédé le ralentissement puis la baisse des échanges internationaux. La crise de confiance provoquée par le naufrage de l’établissement bancaire américain a eu des répercussions sur le financement des commandes, pénalisant les transporteurs ainsi que leurs projets de développement (la mise en chantier de navires de plus en plus grands était de mise jusqu’à l’automne).
Lorsque les conditions de crédit étaient meilleures, il suffisait parfois aux armateurs de déposer 20 % du prix du navire pour pouvoir en débuter la construction. Mais la baisse historique du Baltic Freight Dry Index, la moyenne des prix pratiqués sur vingt-quatre routes mondiales de transport de vracs secs (ciment, métaux, minerai de fer et céréales) a bouleversé la donne.
Priorité: la rationalisation de la flotte et des services
La crise a des « causes d’ordre financier, mais c’est aussi une crise de confiance des agents économiques envers les institutions financières. Nous n’avions pas imaginé qu’elle viendrait par ce biais. Nous avions alerté, dès décembre 2007, d’une crise dans le transport maritime du vrac sec en raison d’une surcapacité structurelle », résume au Journal de la marine marchande le président de Louis Dreyfus Armateurs, Philippe-Louis Dreyfus. La taille de la flotte est donc également en cause dans ces difficultés. Les transporteurs tentent de s’adapter/ CMA-CGM ne renouvellera pas les contrats de location arrivant à terme cette année, et a engagé une politique de rationalisation de ses services sur les marchés les moins prometteurs à l’heure actuelle. Les contrats avec d’autres entreprises sont par ailleurs passés au crible.
En marquant une pause sur leur équipement, les armateurs espèrent également profiter de la baisse du prix des navires, et renouveler leur flotte à moindre coût, lorsque les échanges repartiront significativement à la hausse. Une lueur d’espoir est déjà perceptible : après avoir chuté de 94% entre mai et décembre 2008, le Baltic Freight Dry Index a rebondi de 200% ! Mercredi dernier, CMA CGM et Maersk ont lancé, après une phase de rapprochement, une ligne commune entre le nord de l’Asie et la mer Noire. CMA CGM fait valoir que les taux de remplissage entre l’Europe et l’Asie oscillent aux alentours de 70 % depuis janvier, une donnée essentielle pour démarrer de nouveaux services.
La crise a également été l’occasion de faire le point sur les trajets empruntés par les navires et les dessertes : le canal de Suez, pour lequel le coût s’est considérablement accru ces derniers mois (droits de franchissement, assurances face à la montée de la piraterie…), est désormais délaissé au profit du Cap de Bonne Espérance, qui rallonge la durée des trajets d’une semaine, un inconvénient largement compensé par des aspects financiers. Les acteurs de niche pourraient être les premiers à faire les frais de cette phase délicate pour les armateurs, les poids lourds du secteur espérant quant à eux profiter de la manière la plus optimale possible de la reprise des échanges.