L’agence de notation DBRS décrypte l’impact de la baisse des taux d’intérêt sur les banques françaises.
« L’environnement de taux bas a continué d’exercer une pression importante sur le taux de rendement des portefeuilles immobiliers des banques françaises, même si ceux-ci sont à 90% à taux fixe. La baisse des taux d’intérêt a amené les clients des banques, voyant leur crédit immobilier à un taux plus haut que celui qu’il pourrait obtenir si on leur octroyait un crédit aujourd’hui, à renégocier leur crédit auprès de leur banque à un taux plus bas. Celui-ci étant fixé à partir de l’OAT 10 ans, la baisse du taux a mécaniquement entrainé de meilleures conditions pour les nouveaux acquéreurs que pour les anciens. Ces taux attractifs ont généré une vague de renégociations importante à partir de 2014, mais principalement depuis la fin 2016-début 2017.
Fin avril 2017, 30% du stock de prêts immobiliers des banques françaises provenaient de crédits accordés au cours des 12 derniers mois, à des taux d’intérêt très faibles oscillant entre 1,5% et 2%. Environ 60% de ces crédits sont le fait, soit d’un rachat (rachat du crédit à une autre banque) ou soit d’une renégociation (un client de la banque qui renégocie avec celle-ci afin d’obtenir un taux plus faible sur un crédit déjà existant). L’ampleur des rachats et renégociations a donc contribué à une baisse du taux d’intérêt moyen du portefeuille de crédits immobiliers des banques françaises, passé de 2,87% fin avril 2016 à 2,34% fin avril 2017 selon les estimations de DBRS.
Quel effet pour les banques ?
Afin de ne pas voir leurs parts de marché s’étioler, les banques ont donc été contraintes dans de nombreux cas de procéder à une renégociation ou un rachat. Ceci a contribué à une chute de la marge nette d’intérêt puisque la capacité des banques de baisser le cout des dépôts (principale source de refinancement) est limitée, un tiers des dépôts étant régulés. De ce fait, les revenus de la banque de détail en France ont diminué de 3% par rapport à l’année précédente et le résultat avant impôt de 12% en 2016. DBRS estime qu’environ 2 à 5% des revenus de la banque de détail en France en 2016 sont dus aux renégociations ou remboursements anticipés.
Impact à long terme
Le problème est que ce qui marche dans un sens ne marche pas dans l’autre. En effet, il est plus «facile» pour un client de renégocier un prêt avec des taux bas que pour la banque de renégocier un prêt immobilier avec des taux hauts. De plus, l’échéance contractuelle moyenne des prêts hypothécaires est en France d’environ 18 ans et l’échéance effective entre 6 et 7 ans. DBRS estime que tant que les taux ne remontent pas, la marge des banques continuera d’être érodée.
Cependant, l’impact reste gérable puisque les grands groupes bancaires français restent bien diversifiés, les revenus de détail en France ne représentant que 15% des revenus 2016 de BNP Paribas et 33% pour Société Générale. De plus, les revenus de la banque de détail ne concernent pas uniquement les prêts immobiliers, autre facteur venant relativiser l’impact. Les banques françaises arrivent tout de même à compenser cette perte de revenus en développant les activités génératrices de commissions telles que les activités d’assurance. »
Tomasz Walkowicz, analyste principal sur le portefeuille banques françaises et Arnaud Journois, analyste sur le portefeuille banques françaises chez DBRS