L’incroyable essor de la mixologie n’a pas échappé aux organisateurs du Paris cocktail festival, sous deux angles: démocratiser la consommation des cocktails et faciliter l’accès aux spiritueux.
« Il faut montrer que le cocktail est accessible, avec des recettes faciles à reproduire chez soi et une large palette de produits – spiritueux et boissons sans alcool », lance le coorganisateur du Paris cocktail festival, Philippe Jugé, dont la cinquième édition s’est achevée dimanche 27 novembre avec un salon de dégustation réunissant 33 marques. L’événement, qui a réuni 60% de visiteurs professionnels et 40% de visiteurs particuliers, a été organisé en moins de cinq mois par l’équipe d’Amuse Bouche, qui a racheté la marque au consultant en métiers du bar Fernando Castellon. « Nous avons souhaité élargir la cible du cocktail des influenceurs au grand public », abonde Philippe Jugé.
« Le cocktail est défini en tant que tel depuis le début du 19ème siècle. Il s’agissait d’une boisson très sophistiquée, très luxueuse. Lors de la prohibition (1919-1933), les Américains ont perdu leur savoir-faire et se sont massivement rendus à La Havane et en Europe pour assouvir leur passion. Par la suite, de nouveaux produits sont arrivés et, à la fin des années 1990, le cocktail a muté en une industrie professionnelle à Londres. En France, le renouveau du cocktail s’est amorcé au début des années 2000, puis a connu une franche accélération », rappelle Fernando Castellon. « Aujourd’hui, nous allons vers des bars mono-produits, comme le Bluebird, à Paris, sur le gin, un produit qui a totalement changé depuis quinze ans », poursuit-t-il.
Des marques connues et des produits de qualité
Pour capter le grand public, rien de tel que des marques connues de tous, à l’instar d’Heineken, qui continue la promotion du Freddy Collins, un cocktail conçu avec le chef barman du Gravity Bar (Paris), Michael Mas. Du sirop de concombre, du jus de citron jaune, de l’aquavit et de la bière le composent. Pour le Tonic proposé par Campari, l’idée demeure : « le cocktail devait être facile à faire, tandis que l’apport du tonic facilite la dégustation, marquée par l’amertume, pour un palais novice », explique le barman en poste.
Distribué en France par L’Explorateur du goût, le gin Brockmans était pour sa part proposé dans un cocktail (photo) alliant du vermouth, du Dry Curaçao (une liqueur de la maison Ferrand) et de la bitter Angostura, un concentré d’essences, dans un verre à Martini, tranchant avec la verrerie proposée sur le salon. « Nous avons souhaité conjuguer la douceur de Brockmans aux puissants arômes du vermouth Drapo Rosso, pour démocratiser l’usage du cocktail avec des ingrédients de qualité », indique le fondateur de l’entreprise, François Sommer. Le gin Old Tom de Citadelle, disponible en édition limitée depuis le mois de septembre, était quant à lui mélangé à des sucres toastés.
Des bartenders entrepreneurs
Cette initiation au cocktail passe également par des entrepreneurs qui ont souhaité opérer une montée en gamme dans le secteur, dans leurs villes respectives. A Lyon (Rhône), Marc Bonneton a été précurseur de la montée en gamme du cocktail en CHR avec le Soda Bar (2006) et l’Antiquaire (2010) – il gère aujourd’hui plusieurs établissements. « Pas mal de chemin a été parcouru. Nous avons commencé avec un cocktail à 6,50 euros, même si ce n’était pas le choix le plus judicieux économiquement, pour capter une large clientèle. Il était compliqué d’ouvrir, avec les banques, un bar à cocktails en 2006, mais les choses sont plus simples aujourd’hui. Toutefois, le système des fonds de commerce et les charges alourdissent les coûts, notamment pour embaucher du personnel », regrette-t-il.
« A Bordeaux (Gironde), le développement est difficile à cause des blocages liés aux licences IV. Il nous a aussi fallu amener les clients, dans une région viticole, au cocktail, de surcroît dans un quartier en pleine transformation, où il faut convaincre le public de se rendre », affirme Gaël Geoffroy, à la tête du Point Rouge. A Montpellier (Hérault), Julien Escot (Papa Doble) observe la visibilité grandissante de ce type d’établissements, sous l’impulsion de personnalités. « Les concours de bartenders aident à se faire connaître », apprécie-t-il. De surcroît, pour convaincre les consommateurs, « l’expérience sociale est très importante. On prête davantage d’importance à l’environnement dans un bar à cocktails », affirme Fernando Castellon.
Des cocktails pour populariser les spiritueux
Les nouveaux produits bénéficient pour leur part de l’attrait exercé par le cocktail. Le cidre Lefèvre, produit à Berville (Val-d’Oise) depuis deux ans et demi, et le Cognac bio 8&8, lancé ce mois-ci par Oval Spirits (dont la maison-mère est connue pour son eau Fontaine Jolival), ont été réunis autour d’un cocktail spécialement conçu à leur intention (cognac 8&8, sirop de cidre, cannelle, sauge, bitters, essence de thym) par le barman parisien Tristan Simon.
Inversement, la maison Hine, fondée en 1763, fournisseur officiel de la Cour d’Angleterre, « mise sur la mixologie pour démocratiser le cognac », précise son brand ambassador, Enguerrand Leonetti (photo). Au menu du Side-Car : 5 cl de cognac, 2 cl de triple-sec, 2 cl de jus de citron.
Pour servir de telles créations, rien de tel qu’une verrerie d’exception. Appréciées des particuliers, les découpes vintage de la gamme Nachtmann de Spiegelau, sont ainsi désormais proposées, suite à une forte demande, aux professionnels.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
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