En dépit de leur statut de premiers consommateurs mondiaux d’énergie, les pays émergents conditionnent leur action à celle des économies industrialisées.
Les tensions sur les marchés liés à l’énergie sont en train de progressivement trouver une nouvelle origine. Pour la première fois, en 2008, la consommation énergétique des pays émergents a dépassé celle des pays industrialisés, selon des chiffres publiés par le pétrolier BP. Avec 51,2 % de la consommation mondiale, elle souligne le poids économique et social que revêtent aujourd’hui les BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine) et les autres économies à forte croissance. Ce nouveau statut impose aux pays émergents une attitude engagée et responsable à l’échelle mondiale, avec des positions communes qui commencent seulement à se construire.
Le récent sommet du G8, qui s’est tenu en Italie, a jeté les bases d’un dialogue international entre des pays industrialisés à la consommation difficilement changeante et des économies en forte croissance qui n’aspirent qu’à se développer avec des modes de vie se rapprochant de l’Occident. Des tensions entre les participants sont apparues au grand jour : « les pays émergents posent deux conditions aux pays industrialisés : s’engager à réduire de 40 % leurs émissions d’ici à 2020 et leur apporter un soutien financier », explique au Monde.fr Damien Demailly, en charge du programme énergie au WWF. Pourquoi ces pays fourniraient-ils des efforts alors que les économies plus industrialisés peinent à vraiment changer ?
Ce premier coup de force des pays émergents en matière de négociations sur le climat a fait suite au premier sommet des BRIC, qui s’est tenu courant juin en Russie. A vocation économique, cette rencontre a permis d’affirmer le poids représenté par ces Etats. Au premier rang des pollueurs depuis l’an dernier, la Chine a usé de sa position incontournable pour jouer les dilettantes lors du G8 – augmenté également de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud et du Mexique. Pour cause d’émeutes, son président Hu Jintao a rapidement quitté le sommet, laissant peu de place au dialogue. En parallèle, la suprématie du dollar a été remise en cause: les questions monétaires semblent l’emporter sur les négociations climatiques.
Le G8 au sens strict (États-Unis, Russie, Japon, Canada, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie ) a proposé de manière consensuelle de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, un point de vue difficilement partagé par les représentants des pays émergents présents à l’Aquila. Les pays développés ont même été jusqu’à proposer de diminuer leurs propres émissions de 80 % d’ici à 2050 pour prouver leur engagement… des avances qui sont encore insuffisantes pour nombre de pays du Sud. Ces derniers adoptent eux aussi des mesures d’ordre environnemental, mais attendent davantage d’efforts au Nord pour amplifier les leurs.
Des initiatives limitées dans l’attente d’une action au Nord
L’ONU, en exhortant les pays industrialisés à accentuer leur action dans la lutte contre le réchauffement climatique, semble leur donner raison. « Il reste un long, long chemin à accomplir jusqu’aux scénarios ambitieux recommandés par les scientifiques du GIEC si nous voulons éviter les pires impacts du changement climatique. Le niveau des ambitions doit absolument être relevé d’ici Copenhague », indiquait mi-juin son secrétaire exécutif climat Yvo de Boer. La conférence de Copenhague doit déboucher, dès décembre, sur les accords post-Kyoto. Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent être plus ambitieux, selon l’organisation internationale qui peine à croire au succès de Copenhague.
Des pays, tels le Mexique, tentent au Sud d’impulser la donne pour tenter de concilier croissance et développement durable, un défi également à relever pour les pays industrialisés, dans un contexte économique nettement plus dégradé. Cinq nouveaux décrets instituent désormais des zones protégées, un ouvrage rédigé par 700 scientifiques résume l’état des connaissances actuelles dans le domaine, et un programme spécial est en phase d’instauration: ces mesures doivent permettre de prouver l’engagement du pays en faveur du climat. En Asie, Séoul et Taïwan ont pour leur part annoncé une série de mesures fiscales et financières pour concourir au développement des technologies vertes.
Ces initiatives ne doivent cependant pas faire oublier que le processus de négociations à l’échelle mondiale reste grippé entre les pays industrialisés et les pays émergents.