La propagation de la crise de la sphère financière à l’économie réelle continue de faire des ravages. Les suppressions d’emplois se multiplient face à la baisse de la demande. Les défaillances d’entreprises empirent.
« Le marché immobilier continue à se contracter», et «la demande pour les biens européens à l’exportation diminue », mettait en garde à la mi-janvier le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria, prévenant que « le pire est à venir ». Le pire concerne les projections économiques pour 2009, avec l’anticipation d’une récession (-0,6 % de croissance, avant un rebond à 1,2 % en 2010). La crise financière devrait donc poursuivre ses ravages cette année, avec l’aggravation des dommages causés à l’économie réelle. Les difficultés, émanant de l’immobilier américain au printemps 2007, se sont largement diffusées à travers le globe, et ce sur toutes les sphères : financières, boursières, économiques. De ce fait, les entreprises doivent s’adapter, en particulier dans l’industrie.
En France, le constat est sévère. Alors que le nouveau statut d’auto-entrepreneur connaît un succès fulgurant, « les entreprises plus âgées et donc plus structurées n’échappent pas aux difficultés économiques. Ainsi les sociétés de plus de vingt salariés enregistrent une hausse des défaillances d’entreprises de 25 % sur un an », indique le cabinet Altarès au Monde. Les faillites d’entreprises en France ont progressé de 10,3 % entre 2007 et 2008, la plus forte hausse enregistrée depuis 1991. Le nombre de défaillances s’est accéléré depuis juillet dernier, a communiqué la société. A l’échelon international, l’assureur-crédit Euler Hermes a fait part de l’anticipation d’un bond de 25% des défaillances d’entreprise en 2008, un chiffre qui devrait être prochainement confirmé. L’immobilier et la finance sont principalement touchés : « sur les dix principales défaillances enregistrées en 2008 aux Etats-Unis, cinq sont dans l’intermédiation financière et trois dans l’immobilier, tandis qu’au Japon, les chiffres sont respectivement de quatre et cinq », analysait récemment sa directrice des études, Karine Berger.
Les matières premières et l’automobile en ligne de mire
Au-delà de ces deux secteurs, des pans entiers de l’économie davantage en lien avec la consommation sont impactés par la crise. Dans la catégorie des matières premières, les firmes minières sont particulièrement affectées. La chute de la demande, la crise du crédit et les perspectives moroses font chuter les prix des métaux industriels, à l’inverse de l’or et de l’argent, traditionnellement considérés comme des valeurs refuges. BHP Biliton va fermer une mine de nickel – un métal qui a fondu de 80 % depuis mai 2007 – et supprimer 6.000 emplois dans le monde, sur les 100.000 que compte le groupe. Il s’agit d’un revirement pour l’entreprise, qui tablait sur un maintien de sa production pour 2009. 14.000 postes seront pour leur part supprimés chez Rio Tinto, une réduction d’effectifs programmée depuis décembre dernier et qui touchera la France à hauteur de 680 emplois. L’évolution des cours des matières premières sera déterminante dans les projets mis en place par les firmes du secteur.
Dans le secteur de l’automobile, profondément touché, les plans émanant d’exécutifs se multiplient. Les ventes de voitures ont reculé de 7,8 % entre 2007 et 2008, avec un plongeon en décembre. La situation est alarmante, avec une décrue continuelle de la production automobile dans l’Hexagone depuis 2002 (un million d’unités en moins en six ans) et une chute des ventes. Les difficultés à obtenir un crédit, les inquiétudes autour du pouvoir d’achat et l’incapacité à s’adapter aux demandes du marché – pour des véhicules moins gourmands en carburant et s’intégrant davantage à la ville – expliquent notamment cette situation. Les arrêts de chaînes de production se sont multipliés depuis l’automne dernier ; BMW va réduire sa production de 10 %, Ford et Chrysler ont signé un accord de principe pour une alliance stratégique : le secteur réduit la voilure en attendant des jours meilleurs. Dans l’Hexagone, une aide de l’Etat « de l’ordre de 5 ou 6 milliards d’euros » devrait être prochainement débloquée, selon François Fillon. Dans l’aéronautique, Eurocopter s’attend à une forte baisse de ses commandes (450 appareils, contre 715 l’an passé).
En France, l’industrie ne représente plus que 22% de la population active. L’enjeu pour l’Etat et, plus globalement, pour les gouvernants européens et mondiaux est de stopper cette hémorragie et, à défaut de retrouver un paysage aussi florissant que lors des révolutions industrielles, de soutenir ce secteur clef pour l’économie.