Focus, à Planète Bière, sur les bières faiblement alcoolisées, un segment qui réunit aussi bien les grands brasseurs industriels que les microbrasseries.
Lagunitas s’est fait connaître avec son India Pale Ale (IPA) titrant 6,2%. Une bière franche, sans concessions. Pourtant, la brasserie américaine, dans le giron d’Heineken, a choisi de lancer une nouvelle version de la Daytime, une session IPA à 4%. « La recette est désormais plus moderne. L’objectif est de tendre vers des bières plus légères », indique Bastien Laval, chargé des activations et des événements pour la France. La Daytime repensée a été testée avec succès au Craft Beer Rising Festival de Londres le mois dernier, avant une arrivée ce mois-ci dans tous les réseaux. Les visiteurs du salon Planète Bière, dont la journée professionnelle se déroulait ce lundi 8 avril à Paris, ont pu découvrir à leur tour cette nouveauté.
Une évolution qui n’étonne guère Paul Chantler, fondateur de Frog (dix pubs à Paris, Bordeaux et Toulouse, et une activité de brasserie). « Tous nos produits sont des bières de soif et des bières de table, souligne-t-il. L’objectif n’est pas de suivre à tous prix les modes, par exemple en proposant la dernière IPA la plus alcoolisée, mais en essayant de construire une démarche qui a du sens. » Si la Hopster (3,8%) a de longue date intégré la gamme permanente, la Halo (2,8%), lancée en 2017, n’a pas obtenu le succès escompté. « Cela a été une déception, mais nous sommes convaincus que la catégorie des bières légères va émerger. »
De grands noms qui se mettent au low ABV
Après avoir lancé la Special Effects, une bière à 0,4% à l’esprit très geek, Brooklyn Brewery, dont les produits sont distribués en France par House of Beer, propose la Tetrachrome (4,8%), une sour volontairement acide, brassée avec deux-tiers de mûres et un-tiers de framboise. Une petite pépite aux fruits frais qui sera pour l’heure réservée aux contacts privilégiés de l’entreprise.
La brasserie écossaise Brewdog, qui vient d’ouvrir un bar à Paris, mise, elle, sur la Rasperry Blitz, une sour à la framboise à 0,5% déjà notée 3,38 sur 5 sur le site spécialisé Ratebeer. Plus ancienne dans la gamme, la Clockwork Tangerine, une session IPA à 4,5%, est infusée à la mandarine. A mille lieues de la Paradox Uncle Duke’s, une incroyable imperial stout vieillie en fûts de whisky qui titre… 13,2%. L’équipe de Brussels Beer Project, qui exposait aussi au salon), souhaite également s’inscrire, à terme, dans cette évolution à la baisse des taux d’alcool, nous rappelait récemment son cofondateur Olivier de Brauwere.
Ces nouveautés ont été présentées lors de la cinquième édition de Planète Bière, un salon de dégustation a qui a accompagné l’essor de la catégorie depuis sa création en 2015. « Nous avons observé un profond renouvellement des consommateurs de bière. Ils connaissent toujours plus le secteur, et disposent de plus en plus du vocabulaire adéquat. Il existe aujourd’hui un ‘‘parler bière’’, de la même manière qu’il existe un ‘‘parler vin’’. Le goût des visiteurs a aussi changé, avec le décollage des IPA ou des barrel aged. Les brasseurs ont suivi cette évolution. Le salon pourrait être deux fois plus grand ! Les bières aromatisées ou fruitées sont, de plus, devenues un segment fort, avec 15 bières framboise sur le salon », observe Philippe Jugé, coorganisateur.
Les bières aromatisées ont le vent en poupe
En Belgique, le fabricant Enjoy a fait appel à l’expertise de Bertinchamps pour brasser Le Rosé du B (6,2%), qui, en bouteilles de 50 cl et en fûts, déploie ses extraits naturels de framboise belge. « Sans sucres ajoutés, on retombe sur l’amertume classique d’une bière », précise Philippe Alanti, chargé de mission export. Les créateurs de la bière étaient, auparavant, traiteurs. Leur bière a été testée durant un an lors d’événements. Pour la servir, ils conseillent de recourir à un verre à gin, rempli de glaçons, avec du citron et de la framboise : « l’idée est d’avoir une bière résolument désaltérante. »
A Saint-Martin-d’Hères (Isère), la Brasserie du Dauphiné, dix-sept ans au compteur, a mis sur le marché en mars 2018 la Verte des Alpes, une bière à la liqueur de Chartreuse verte (4,8%). « Nous sommes très peu de brasseurs à avoir l’autorisation de recourir à la liqueur de Chartreuse. Nous pouvons ainsi proposer une bière verte tout en nous différenciant du génepi », explique Camille Schillaci, commercial. « La Chartreuse apporte de l’originalité et un bouquet floral à cette bière désaltérante », ajoute l’entreprise.
Des ingrédients locaux…
Quelques bières bio étaient présentes cette année à Planète Bière. Distributeur de produits agroalimentaires depuis dix ans, Beautiful Brands (Marquette-lez-Lille, dans le Nord) s’appuie sur la brasserie belge Brunehaut pour produire sa gamme Bohème. « Je souhaitais créer ma propre marque. Après avoir fait un large tour du marché, j’ai trouvé un brasseur avec qui nous partagions le même sens du goût et une proximité géographique. La brasserie dispose de sa propre ferme, qui l’approvisionne en orge », ajoute Samuel Delattre, directeur général de Beautiful Brands. L’IPA (4,5%) tire parti de cinq houblons (Cascade, Citra, Golden Brewers, Northern Brewers, Hallerteau). La Triple titre, elle, à 7,8%. En juin, une nouvelle gamme brassée dans le Nord, La Pépette, sera lancée à l’issue de deux ans de travail.
… et des installations
Planète Bière permet, enfin, à des brasseurs de présenter leurs dernières actualités. Nous avions déjà repéré, en l’espace de cinq ans, l’épatante Batignolle (5,4%), une Americain Pale ale « moyennement ambrée, très portée sur les houblons », riche de 10% de blé incorporés dans le brassin. Or, nous ignorions que la maison a bien grandi : la Société parisienne de bière, créée en 2014 par Fabien Nahum, auparavant avocat, s’est installée dans le Val d’Oise, à Groslay avec, enfin, son propre outil de production suite à une campagne de crowdfunding en 2017. En décembre 2018, Hespebay, nouveau nom de la brasserie qui n’officiera désormais plus en gipsy, a réalisé son premier brassin. A découvrir : l’Absurde Paradis (4%), une bière brassée avec du foin de Crau AOC. Une malterie bretonne apporte aussi son concours à cette bière disposant d’ingrédients 100% français.
Après cette riche édition, l’équipe d’Amuse-Bouche va plancher sur la prochaine édition de France Quintessence, son salon de dégustation consacré aux spiritueux français, en septembre.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
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