« Fin juin, lorsque nous avons tiré le signal d’alarme sur la dégradation du climat, certains ont été surpris, voire choqués. En fait, nous avons communiqué de façon transparente sur les arbitrages plus drastiques des consommateurs« , explique au Monde le directeur général du groupe Carrefour José Luis Duran. Cet Espagnol de 43 ans, en poste depuis trois ans, avait pour principale mission de redorer le lustre d’une enseigne terni en France. Les ventes dans les hypermarchés français ont reculé de 0,9 % au premier semestre, dans le cadre d’une baisse de la consommation généralisée. « En juillet et août dans nos hypermarchés en France, la tendance des ventes est légèrement meilleure qu’au premier semestre et bien meilleure qu’au deuxième trimestre, à la fois en alimentaire et en non alimentaire« , a toutefois précisé M. Duran.
Les supermarchés, les enseignes de proximité et le maxidiscompte progressent pour leur part, confirmant la nécessité pour le groupe d’accentuer sa présence sur ce créneau. Le chiffre d’affaires du groupe Carrefour progresse de 8,5 % au premier semestre, tiré par l’international: « en 2005 nous étions dépendants de la France à 65 %, aujourd’hui elle représente 46 % du chiffre d’affaires« . Les bonnes performances des magasins de proximité et du maxidiscompte s’expliquent notamment par une baisse ressentie du pouvoir d’achat et par les prix élevés du carburant. Afin de renforcer sa visiblité sur ce créneau, les magasins Champion se mueront prochainement en Carrefour Market.
José Luis Duran compte sur les nouvelles dispositions de la loi de modernisation de l’économie pour relancer les ventes des hypermarchés. Nerfs de la guerre, les prix: les distributeurs peuvent désormais négocier de manière plus libre avec les fournisseurs. Avec plus de 27 % de parts de marché en France, Carrefour peut, selon son directeur général, user de son poids afin d’obtenir des conditions tarifaires plus avantageuses. Le positionnement tarifaire de Carrefour apparaît aujourd’hui encore peu compétitif aux yeux des ménages, une tendance instituée par le ralentissement du nombre de campagnes promotionnelles. Après avoir importé d’Espagne la gamme Numéro 1 des prix, José Luis Duran mise sur le renforcement des marques de distributeur, qui représentent déjà 30 % des ventes. Elles sont en moyenne 25 % moins chères que les grandes marques, mais leur prix a plus vite progressé que celles des marques nationales.
Face à un cours de Bourse atone, José Luis Duran répond qu’il « ne gère pas Carrefour par rapport » à cette donnée. Pour redresser la barre, « il faut simplement atteindre » les objectifs, indique le patron. Une manière de se démarquer de la pression imposée par son premier actionnaire Blue Capital (13,55 % des parts). Et, dans le rapport annuel, de rappeler que l’objectif reste de « progresser sur tous les marchés« .