Les économistes, confortés par de nombreuses données macroéconomiques, sont perplexes quant à l’optimisme affiché par les marchés boursiers. La sortie de crise s’annonce particulièrement difficile.
Une question taraude les actionnaires et investisseurs depuis la rentrée : comment profiter du spectaculaire rebond affiché par le CAC 40 ? Depuis son plancher atteint le 9 mars dernier, l’indice parisien s’est arrogé 55 %. « La reprise est là, mais pour l’instant il s’agit d’un rebond technique qui correspond à une phase intensive de restockage, après le déstockage massif et supérieur à la baisse de la demande. Il faut aussi être conscient du fait que cette reprise est soutenue par les plans de relance », tempère au Journal des Finances le président de la Société française des analystes financiers, Patrick Leguil.
Selon l’expert, cette embellie serait donc fragile, s’appuyant sur les importants efforts consentis par la plupart des gouvernements des pays industrialisés. La batterie de mesures mises en œuvre, parmi lesquels la prime à la casse, véritable bouffée d’oxygène pour l’industrie automobile, ou le déclenchement d’un millier de projets principalement axés autour des travaux publics ne constituent qu’un soutien à l’économie qui, au-delà de son caractère passager, se cantonne qu’à une poignée de secteurs.
La reprise économique se traduit par des signes tangibles parmi lesquels une hausse des commandes passées dans l’industrie. En juin, les commandes à l’industrie allemande ont progressé de 3,8 %, avant de connaître une nouvelle poussée de 3,5 % en juillet. Selon les autorités, cet accroissement de la demande devrait favoriser une poursuite de l’embellie au troisième trimestre, compte tenu de la charge de travail. Aux Etats-Unis, l’indice de la progression industrielle a crû de 0,8 % entre juillet et août ; et la croissance chinoise devrait tutoyer la barre des 10 % pour cette année.
Des signaux positifs qui ne doivent toutefois pas éclipser la possibilité de nouvelles difficultés. « Nous assistons en effet à un rebond technique, mais ce n’est pas une sortie de crise. Nous n’avons pas en Europe de signaux de reprise durable », mettait récemment en garde Mathieu Plane, économiste à l’Office français des conjonctures économiques, dans un entretien accordé à Usinenouvelle.com. Pour corroborer ses doutes, les chiffres ne manquent pas : en juillet, le chômage touchait 9,5 % de la population active dans la zone euro, le plus fort taux depuis dix ans. Quant aux intentions d’investissements dans l’industrie en France, elles sont, selon l’Insee, en chute de 21 % en valeur.
L’euphorie affichée depuis plusieurs mois sur les marchés boursiers a donc de fortes chances de ne pas durer. Un an après la faillite de Lehman Brothers, la crise initialement financière s’est propagée à l’économie réelle. La principale inquiétude réside aujourd’hui dans la façon dont les Etats vont tenter de réduire l’influence prise, au plus fort de la crise, dans l’économie. La « mise sous perfusion » opérée par le moyen de baisses des taux d’intérêts, plans de relance, garanties aux banques ou, aux Etats-Unis, rachat de titres hypothécaires, n’a pas vocation à durer éternellement.
Outre-Atlantique, l’épicentre de la crise, l’enjeu est plus important puisqu’il s’agit de déterminer si la situation des ménages est en mesure de s’améliorer de manière significative. Après avoir connu des sommets au début de l’année 2008 à 138 % de leur revenu disponible, l’endettement des ménages devrait progressivement, selon les simulations, retomber à 116 %. Le surendettement, autre fardeau, sera sans doute au cœur des interrogations au cours des mois à venir. Le taux d’épargne est par ailleurs attendu en hausse.
Dans ce contexte, les actionnaires désireux de profiter de la tendance boursière actuelle doivent non seulement faire vite, mais aussi privilégier des valeurs considérées comme « sûres » ou qui surperforment le CAC 40. La presse patrimoniale s’en donne actuellement à cœur joie. Sur un an, le réassureur Scor et le groupe de luxe et de distribution PPR font figure d’élèves modèles ; sur dix ans, c’est le spécialiste des tubes sans soudure Vallourec qui remporte la palme du meilleur placement (+ 1240 %). Privilégier le court ou le long terme, telle est la question.