Entretien avec Alain Bosetti, co-fondateur du Salon des micro-entreprises, sur le développement de ces sociétés dans un contexte de crise.
A l’occasion de la 16ème édition du Salon des micro-entreprises, qui se tiendra du 30 septembre au 2 octobre au Palais des congrès de Paris, Alain Bosetti, co-fondateur de cet événement et de l’agence de communication En personne, répond aux questions de Business & Marchés sur la situation économique et sociale de ces sociétés.
Business & Marchés — 66% des sociétés françaises, selon leur nombre de salariés, sont des micro-entreprises. Comment expliquer, pourtant, leur manque de visibilité ?
Alain Bosetti — Premièrement, les petites entreprises émettent un bruit de fond que l’on n’entend pas réellement : elles font peu de campagnes publicitaires, par exemple, à la différence des grandes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (ETI, avec un effectif compris entre 250 et 4999 salariés) qui ont les moyens de communiquer, notamment dans les medias les plus puissants. 80% du chiffre d’affaires d’une petite entreprise est réalisé dans un rayon de 20 kilomètres : la visibilité passe donc par la presse locale ou l’achat de mots-clefs liés à un secteur géographique restreint.
Deuxièmement, la couverture de l’actualité économique (contrats, innovations, dépôts de bilan, etc.) des médias nationaux ne couvre pas ce qui se passe dans les petites entreprises.
Troisièmement, ces structures ne réalisent pas de mouvements de contestation d’ampleur, hormis dans le cas des « Pigeons » par exemple où certaines d’entre-elles s’y sont associées. De plus, ces 3,3 millions de sociétés ne sont représentées que par un secrétaire d’Etat, là où un ministre de plein exercice serait le bienvenu !
Comment les entrepreneurs à la tête de ces structures parviennent-ils à être attractifs en termes de ressources humaines ?
Il n’existe quasiment pas de littérature dédiée aux ressources humaines dans les petites entreprises, mais la création d’emplois se fait majoritairement dans les TPE-PME. La qualité de la proximité avec le management dans les petites entreprises est unanimement reconnue. Tout le monde se connaît dans l’entreprise. Les TPE et les PME sont créditées de cet aspect « humain ». L’enjeu est également de progresser : ces entreprises ont également du crédit par rapport aux opportunités qu’elles offrent en matière de responsabilités.
Pour attirer les talents, il existe par ailleurs de nombreux atouts : des stages de formation, une gestion sociale plus souple (un accord d’entreprise n’est pas forcément nécessaire), une mutuelle « protectrice », des tickets restaurants, la possibilité de proposer un contrat d’intéressement, à certains collaborateurs de devenir associés, des comités d’entreprise mutualisés… L’animation RH est tout aussi possible dans les petites entreprises que dans les grandes. J’organise par exemple dans ma société le « Birthday off » : on ne vient pas travailler le jour de son anniversaire. Cela a une portée symbolique très forte. Les écarts salariaux par rapport aux grandes entreprises peuvent néanmoins être importants.
L’ambition globale des micro-entrepreneurs est-elle de dépasser rapidement ce statut ou, au contraire, de continuer à se développer tout en conservant une certaine taille ?
Sur les 3,3 millions de sociétés recensées, 60% d’entre elles n’ont pas de salarié. Lorsque des entreprises se créent, 55% d’entre elles existent toujours cinq ans plus tard, et seulement 2% d’entre elles ont dépassé le seuil des 10 salariés. Or, pour que les entreprises se développent, il faut qu’elles en aient les moyens ! Il faut par exemple recruter, acquérir ou renouveler son parc machines, louer des locaux plus grands, et donc s’endetter, ce qui induit un pari sur l’avenir et sur le business.
Aujourd’hui, dans un contexte où la confiance manque, les clients ne sont pas forcément au rendez-vous. Ce contexte de crise constitue néanmoins l’occasion de se développer, à de moindres frais, sur des secteurs potentiellement porteurs : vieillissement de la population, services à la personne tournés vers l’enfance, e-santé, objets connectés, etc.
Comment la crise a-t-elle affecté les micro-entreprises ?
En 2013, 18.400 TPE de 1 à 2 salariés ont connu une défaillance. Ce chiffre a progressé par rapport en 2012, avec une hausse plus élevée que pour les entreprises dont les effectifs dépassent les 3 salariés.
Il y a vraiment une différence quand vous avez un salarié ou quand vous n’en avez pas. Lorsque vous êtes seul, vous pouvez rogner sur votre rémunération et sur les coûts, travailler de chez vous au lieu de louer des bureaux, etc. Lorsque vous avez des salariés, c’est plus compliqué, avec une législation très contraignante pour l’entrepreneur. Toutefois, les micro-entrepreneurs ne se résignent pas. Ils font preuve d’une très forte capacité d’adaptation. Ils bénéficient notamment de circuits de décision très courts, et n’hésitent pas à remettre en cause leur modèle économique. Par ailleurs, de plus en plus d’entreprises mettent en commun leurs moyens : locaux, salariés, location de stands sur les salons…
L’essor du télétravail et des tiers-lieux peut-il faciliter l’équation économique de ces sociétés ?
Pas forcément dans l’industrie et le commerce où le télétravail est quasi-impossible. En revanche, dans les services, le télétravail est possible, mais sa mise en œuvre est plus informelle que dans les grands groupes où des accords et des avenants aux contrats de travail sont de mise. Les aspects juridiques et matériels peuvent néanmoins compliquer les choses, notamment avec le développement du BYOD (Bring your own device). Par exemple, si l’un des membres d’une entreprise de trois personnes récupère le fichier clients sur son ordinateur personnel, cela peut devenir problématique.
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