La filière des agrocarburants est en proie à de nombreux défis.
La déroute de Green Hunter Energy, le plus gros producteur américain de biodiesel, illustre les difficultés d’une filière qui semblait pourtant, il y a un an de cela, promise à un grand avenir. L’entreprise a enregistré au premier semestre des pertes de 4,3 milliards de dollars, qui s’ajoutent à un passif déjà bien fourni. Le délai négocié auprès de ses créanciers court jusqu’au 15 novembre.
Cet exemple s’inscrit dans une année noire pour les acteurs des bio ou agrocarburants, qui misaient sur le rapport d’évaluation de l’Ademe, rendu public le 20 octobre, pour prouver au plus grand nombre que leur branche a encore un avenir. Les conclusions de l’étude sont plus mitigées qu’espéré: la filière « ETBE », un mélange d’éthanol avec de l’isobutène (la moitié du bioéthanol français) n’est pas conforme aux exigences de la directive européenne consacrée aux énergies renouvelables.
Le bilan écologique des agrocarburants semble, selon les auteurs du rapport, bien plus tempéré qu’on ne l’envisageait. La culture du colza, du blé ou de la betterave induit des pollutions liées aux pesticides et aux engrais. Les nappes phréatiques font les frais de pratiques contradictoires avec l’objectif assigné à ces carburants d’un nouveau genre. Quant à leur bilan carbone, tout à fait honorable – de 35% à 80% de CO2 en moins par rapport aux carburants conventionnels -, il ne tient pas compte des conséquences de la déforestation pratiquée dans certaines régions du globe.
Le dernier rapport annuel de l’Organisation des nations unies pour l’agriculture et l’alimentation pointe également du doigt les conséquences de l’allocation des cultures aux agrocarburants: selon la FAO, les subventions pratiquées par les pays de l’OCDE à l’égard de la filière doivent être révisées pour protéger la sécurité alimentaire mondiale.
Au premier semestre 2008, la communauté internationale se mobilisait face à une crise alimentaire poussée par la hausse des cours et l’augmentation des surfaces agricoles dédiées aux carburants. « La quasi-totalité de l’augmentation de la production mondiale de maïs, de 2004 à 2007, a été absorbée par la production de biocarburants aux Etats-Unis », expliquait alors la Banque Mondiale.
L’Allemagne s’est emparée du sujet dès avril 2008. Renonçant à des projets de développement massif des agrocarburants dits de « première génération » (provenant des cultures agricoles), le pays s’est orienté vers la R&D en vue de l’utilisation de matériaux tels les copeaux de bois, les mauvaises herbes ou la paille.
L’échec commercial de l’E10, un carburant intégrant 10 % d’éthanol – essentiellement dû à un manque de pompes approvisionnées et de communication – semble aujourd’hui à même de conforter l’Allemagne dans sa décision. Les difficultés techniques en matière d’automobile sont également à prendre en compte.
Le développement d’une seconde génération d’agrocarburants, tablant sur d’autres matières premières afin d’éviter les conflits liés à l’alimentation, apparaît comme le principal débouché d’une filière dont le potentiel reste bien réel, préoccupation écologique oblige.