Les réactions se multiplient suite à la menace de dégradation de la note française par Moody’s.
AAA : ces trois lettres ne tiennent plus, pour la France, qu’à un fil. Lundi soir, Moody’s, une des trois grandes agences de notation avec Standard and Poor’s et Fitch, a annoncé qu’elle plaçait le pays sous surveillance pour une période de trois mois, afin de déterminer si elle réévaluera – ou non – son opinion. Ce sésame, essentiel pour emprunter au meilleur taux, est au centre de l’attention de l’Elysée, de Matignon et de Bercy qui pourraient être éventuellement amenés à instaurer de nouvelles mesures d’austérité, au risque de gripper la croissance.
Interrogé par L’Expansion, Norbert Gaillard, auteur d’un ouvrage consacré aux agences de notation, estime que « la France est vue comme un maillon faible par les marchés. Alors concrètement, s’il fallait dégrader la note d’un pays triple A demain, ce serait légitime pour la France ». Les taux d’intérêt à 5 ou 10 ans y figurent parmi les plus élevés.
« On ne peut plus se contenter de raboter les niches fiscales, il faut des réformes de fond comme le report de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans », suggère Nicolas Bouzou, fondateur du cabinet Astérès, dans Le Parisien. Cette proposition, qui s’inscrit dans de récentes mesures, pourrait permettre d’améliorer la situation financière de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, à l’instar des dernières prévisions relatives au relèvement progressif – jusqu’à 62 ans en 2018 – de l’âge légal de départ à la retraite. Selon Le Figaro, elle rapporterait jusqu’à 5 milliards d’euros en 2015.
En regard du contexte économique actuel, le ministère du Budget se refuse, pour l’heure, à accroître le taux de prélèvements obligatoires, ni à revenir sur certains avantages accordés au cours du mandat présidentiel écoulé, échéance électorale oblige. Pour l’agence Reuters, « les agences de notation s’invitent dans la campagne pour 2012 », la façon de répondre à leurs actions étant au cœur du débat.
Toute manœuvre est en effet fortement contrainte par la faiblesse du taux de croissance, estimée à 1,6% pour 2011 et entre 1,4% et 1,75%, selon les sources, pour 2012 ; ainsi que par l’importance du déficit et de la dette publics, s’élevant respectivement à 85,4% et 89,4% du PIB. « En tentant de réduire leurs déficits prématurément, trop rapidement et de façon synchrone, les gouvernements des pays européens prennent le risque d’un nouveau ralentissement de l’activité », met en garde l’Observatoire français des conjonctures économiques, rattaché à Sciences Po. Le taux de chômage, en berne (on dénombre 110.000 nouvelles inscriptions à Pôle emploi entre mai et août dernier sur les catégories A/B/C), conditionne notamment les décisions à venir.
Face à la menace de Moody’s, un focus sur le seul échelon français est-il pertinent ? Pour Edouard Carmignac, président de la société de gestion éponyme, qui s’en prend violemment à Jean-Claude Trichet, président sortant de la Banque centrale européenne. Il lui a proposé, à la veille de son dernier Conseil le 6 octobre dernier, de formuler une « déclaration d’intention d’acquérir la dette souveraine de pays en difficulté sans restriction de montant et sans stérilisation de ces interventions ».
Un clin d’oeil à la situation grecque, périlleuse, et plus généralement aux turbulences frappant la zone euro. Un autre dossier sur lequel les décisions politiques seront scrutées de près par les agences de notation.
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