La cuisine franco-israélienne du nouveau restaurant Magniv, dans le Sentier, à Paris, se marie avec des cocktails conçus par deux anciens barmans. Un bar complète l’offre.
Pour qui connaissait le Fou, l’emplacement du 37 bis, rue du Sentier, dans le 2ème arrondissement de Paris, judicieusement placé près des grands boulevards, laissait à désirer : salle sombre, sous-sol peu exploité, ambiance renfermée. Chez Magniv, qui occupe le lieu depuis mi-juin, place à un rez-de-chaussée ouvert sur la rue, une large place accordée au béton brut, et à un étage inférieur amené à se transformer, dans les prochains jours, en bar à cocktails de nuit. En attendant, place à la découverte du restaurant : une exécution parfaite, des plats incroyables, même si on regrette l’absence de menu.
Le choix à la carte est de mise, pour une raison simple : “il n’y a pas de règles”, insiste Benjamin Chiche, cofondateur avec Clément Faure. Nous avions connu les deux hommes dans leur vie de barman, notamment à l’Andy Wahloo, à quelques centaines de mètres. Place désormais à leur vie d’entrepreneurs, après deux ans et demi de travail, qui leur ont permis d’échapper à une ouverture lors des mouvements sociaux de 2019-2020 ou des confinements – la faute à des difficultés rencontrées avec la copropriété, moyennant un an entre la signature et la remise des clefs. En revanche, leur cuisine alliant inspirations françaises et israéliennes, sous la houlette du chef Kobi Villot, qui alterne avec son propre restaurant, est une réussite gustative et visuelle.
“Nous avons souhaité, sur la moitié des plats, proposer des cocktails en food pairing, en petit format. Ils seront disponibles en version classique au bar, ou nous pouvons les réaliser à la demande. Nous réalisons aussi nos propres pains”, décrit Benjamin Chiche. Pour la boulangerie, le menu affiche un kubaneh (pain yéménite) ainsi qu’une focaccia aux épices maison, avec leurs accompagnements.
Mélanges de saveurs
Six “petits plats” (katan) sont proposés, de 9 à 16 euros, dont les cigare marocaÏ (trois pièces, dont le nombre est étudié pour que les clients puissent découvrir d’autres plats, mais qui nous laissent sur notre faim, étant très réussis): effiloché de poulet, curcuma et herbes dans une feuille de brick; condiments et pickles. De légères notes épicées sont décelables de ces généreux bâtonnets croustillants, à associer à une sauce tahina et à une méchouia aux poivrons, qui peut ensuite dégustée indépendamment, en attendant le plat suivant.
Côté cocktail (La Kenta), la mélasse de dattes s’associe à la liqueur d’abricots et aux épices chaÏ, pour un résultat très surprenant. Ce cocktail clarifié au lait d’amande et au lait de vache aurait initialement dû être servi chaud – un milk punch a finalement été retenu pour l’ouverture, en pleine saison estivale. Magniv ne peut toutefois pas, trottoirs étroits obligent, bénéficier d’une terrasse. L’établissement compte deux barmans, deux chefs de rang, quatre personnes en cuisine ainsi qu’un apprenti. La cuisine est ouverte sur la salle, dans le prolongement de la station bar.
Les plats moyens (benoni) sont tout aussi généreusement servis. Sur les huit, deux d’entre eux se prêtent au food pairing avec des cocktails. Le tajine dagim, aux boulettes de daurade royale préparées tous les matins, offre un beau mariage de saveurs.
Tarte Tatin et cocktail en dessert
Au rayon desserts, la tarte Tatin, certes un peu trop froide, se distingue par le croustillant de son crumble aux pistaches. Pommes confites à l’anis et sorbet à l’huile d’olive en constituent les touches personnalisées, à découvrir en accord avec le Middle-East punch, un daiquiri clarifié. Un fat wash (mélange d’un corps gras, ici de l’huile d’amande, exhausteur de goût, et de rhum Bacardi Quatro) est réalisé. Sirop d’amandes fumées, fleur d’oranger, sirop d’orgeat fumé, jus de citron vert, lait d’amande et de lait de vache composent le drink, dont on décèle immédiatement le côté onctueux de l’amande.
Si le bar et la cuisine fonctionnent aujourd’hui avec leurs propres compétences, “aller du bar vers la cuisine est un pas qui peut se faire naturellement, estime Clément Faure. Le facteur humain est plus déterminant que la technique.”
37 bis, rue du Sentier, Paris.