Entretien avec Guy Loichemol (Havas Paris) sur les caractéristiques des actionnaires individuels.
« Cassons les idées reçues ». L’agence de communication Havas Paris vient de publier une étude qui déconstruit sept clichés relatifs à l’actionnariat individuel. Les actionnaires individuels ont-ils fui la Bourse suite à la crise ? Sont-ils particulièrement fortunés ? Guy Loichemol, partner chez Havas Paris, revient sur les résultats de l’étude pour Business & Marchés.
Pourquoi avez-vous décidé de mener une étude sur les actionnaires individuels ?
Notre engagement pour la promotion de l’actionnaire individuel date de 2006, lorsque nous avons réuni organisé des assises des actionnariats, puis lorsque nous avons édité un livre blanc pour la promotion de l’actionnariat individuel et salarié en 2009 et en 2012 . Nous avions alors émis un certain nombre de propositions pour faire avancer la question sur un constat au fond assez simple : les actionnaires individuels ne déchaînent pas les foules. Ils restent une population négligée et le plus souvent caricaturée.
Avec cette première cartographie des actionnaires individuels en France, nous souhaitons rompre le cycle de défiance et de méconnaissance des actionnaires individuels afin qu’ils soient reconnus à leur juste valeur par les décideurs politiques, les institutions mais aussi les entreprises elles-mêmes. Nous voulons encourager les entreprises à prendre des positions claires sur leur stratégie d’actionnariat en leur donnant les clés d’un choix assumé et ce, quelle que soit leur décision.
Quel est le portrait-type de l’actionnaire individuel français ?
Il n’existe pas de portrait robot de l’actionnaire. Les actionnaires individuels présentent des profils très différents avec une appétence à la Bourse diverse. Cependant, l’étude dessine des idées force à rebours de quelques idées reçues. Ils sont encore fortement représentés dans les couches les plus âgées de la population (62% ont moins de 65 ans) mais ils ne sont pas les retraités qu’on imagine. Ils sont actifs pour la moitié d’entre eux. Ils ont commencé à investir en Bourse à tout âge et même avant 40 ans. Ils ne sont pas non plus aussi fortunés qu’on le pense. Pour près de la moitié d’entre eux, le patrimoine en actions ne dépasse pas 20 000 euros, il est même inférieur à 10 000 euros pour un petit tiers.
Ils ne sont pas non plus les opportunistes qu’on veut bien le dire. La grande majorité vise une rentabilité de long terme plutôt que le profit immédiat. Ils sont d’ailleurs 44% à conserver leurs actions plus de 5 ans. D’ailleurs le risque n’est pas une seconde nature chez eux. Ils se reconnaissent plus volontiers comme des gestionnaires prudents en bon père de famille. Les actionnaires individuels français sont aussi très connectés.
Quelles principales typologies d’actionnaires avez-vous distingué ?
Nous avons identifié cinq grandes familles d’actionnaires mais deux d’entre elles – l’actionnaire de circonstance (29%) et l’actionnaire amer (13%) soit près de 1,7 million d’actionnaires – sont perdues pour la cause. En revanche, trois familles – l’actionnaire patrimonial (26%), l’actionnaire « 2.0 » (19%) et l’actionnaire financier (13%) – se montrent plus réceptives et constituent la cible des actionnaires à cultiver et privilégier.
La crise économique a-t-elle découragé cette population d’investir ?
Pas vraiment. Ils se montrent plus optimistes que la moyenne des Français. Ils croient en l’avenir économique de la France (40% contre 29% moyenne des Français) et de la Bourse. Et rares sont ceux qui envisagent de diminuer leurs investissements à l’avenir. 55% considèrent d’ailleurs que la période est propice aux investissements boursiers.
Comment les entreprises peuvent-elles s’impliquer auprès des actionnaires individuels ?
Les actionnaires individuels sont demandeurs d’information pour devenir actionnaires comme pour le rester. Et cette curiosité va au-delà des données incontournables liées à la santé financière des entreprises. L’innovation, la stratégie, la gouvernance… sont notamment les sujets qui leur permettent d’installer une relation dans la durée avec les entreprises. De nombreuses sociétés cotées nourrissent déjà une relation assidue avec les actionnaires individuels. Elles assurent le marketing de leur titre pour les recruter, les fidéliser et les renouveler, ont instauré le dividende majoré et mène une communication volontariste.
Mais elles sont encore en nombre insuffisant. Pour preuve, un tiers des actionnaires individuels ne sont pas encore totalement satisfaits de la communication des sociétés en leur direction et un sur deux a le sentiment de ne pas bien connaître les entreprises dont ils sont actionnaires.