L’enquête « Mon bureau de demain » révèle les attentes des étudiants de l’Essec en matière d’immobilier tertiaire.
Ingrid Nappi-Choulet, FRICS*, professeur à l’ESSEC Business School et titulaire de la Chaire Immobilier et Développement durable, a supervisé une enquête sur les attentes des étudiants de l’école de management quant à leurs futurs espaces de travail. Elle nous en présente les résultats.
Business & Marchés : Pourquoi s’intéresser à la génération Y ?
Ingrid Nappi-Choulet : Tout d’abord, cette enquête est unique en France car elle s’adresse à des étudiants et non à des salariés en place dans l’entreprise. L’idée était d’avoir leur point de vue et de connaître leurs attentes par rapport aux espaces de travail dans lesquels ils aimeraient travailler à la sortie de l’école, dans deux à quatre ans.
Ces étudiants savent de quoi on parle puisqu’ils ont tous, du fait de leur scolarité, une expérience en entreprise d’au minimum de six mois, par un stage ou un apprentissage, et cette période peut être beaucoup plus longue pour ceux qui sont en milieu ou fin de scolarité. Leur moyenne d’âge est de 22 ans. Ils travailleront pour la plupart dans le management des entreprises, dans le secteur de l’audit, de la finance et du conseil.
Aujourd’hui, on parle beaucoup des attentes de la génération Y, cette génération hyper connectée et mobile, qui a une perception nouvelle des espaces et locaux de l’entreprise. Pour la chaire Immobilier et Développement durable de l’ESSEC et les partenaires qui la soutiennent comme Poste Immo et Foncière des Régions, il était essentiel d’anticiper les usages et besoins de ces futurs salariés et occupants d’immeubles de bureaux qui font la ville de demain, l’une des thématiques centrales de nos recherches.
Les espaces de travail sont-ils aujourd’hui un véritable enjeu de management ?
Tout à fait. Le bureau est au cœur des enjeux managériaux des entreprises. La problématique des espaces de travail concerne aujourd’hui dans les grandes entreprises à la fois la direction immobilière, la direction des environnements de travail et la direction des ressources humaines.
L’environnement de travail doit être performant pour le salarié et prendre en compte les nouvelles façons de travailler, comme le travail nomade dans des tiers-lieux, le coworking, dans un contexte d’explosion des nouvelles modalités et technologies de l’information. De surcroit, l’immobilier représente le second poste de dépenses de l’entreprise après les salaires. Il est donc essentiel pour l’entreprise de maîtriser la façon d’occuper et d’utiliser les espaces de travail et de fournir les espaces les mieux adaptés aux utilisateurs et à l’entreprise.
Selon les résultats de l’enquête, pour 40 % des sondés, l’espace de travail est déterminant dans le choix de leur future entreprise. Doit-on considérer que les conditions immobilières des entreprises constituent un véritable élément d’attractivité au même titre que la rémunération ?
Je pense que cela devient en effet le cas. Pour nos sondés, qui seront les futurs managers de demain, le choix de l’entreprise est largement influencé par ses lieux et territoires, que ce soit l’espace de travail à proprement parler ou la localisation de l’entreprise. Je ne pense pas que nous ayons ici une réponse limitée à une catégorie d’étudiants, celle des grandes écoles. La réponse est aujourd’hui bien connue des DRH qui recrutent les nouveaux diplômés.
Cette génération par essence mobile, l’est également dans le travail. Pour la retenir au moins deux années après son recrutement, alors que les coûts pour la recruter sont exorbitants, il est indispensable de pouvoir la « séduire ». C’est le rapport de force sur le marché, alors que les offres et les tentations de partir, y compris à l’étranger, sont nombreuses.
41 % des étudiants privilégient un espace de travail de type « start-up californienne ». Quelles sont les caractéristiques de ces implantations ?
Incontestablement, l’image qu’ils en ont est celle d’une entreprise dite « jeune » spécialisée dans les nouvelles technologies, de type Google, qui communique beaucoup sur ses nouveaux bureaux et ses nouvelles implantations toutes aussi surprenantes les unes que les autres dans le monde. Les bureaux ne sont pas des bureaux classiques ; ils reflètent tous des ambiances de travail différentes avec des équipements qui n’ont rien à voir avec des espaces de travail classiques.
Cependant, chaque salarié a son poste de travail affecté, ce qui n’est pas le cas dans ce que l’on appelle un bureau « consultant » où les espaces ne sont plus affectés aux personnes mais aux fonctions (réunion, consultation du courrier, etc.), ce que l’on nomme le « desk-sharing », qui semble moins apprécié par les étudiants dans notre enquête (33 % en premier choix). C’est peut-être le paradoxe de cette génération émergente, individualiste, avec un besoin permanent d’information, d’échange et de mobilité.
58 % des étudiants interrogés optent pour une localisation dans Paris intra-muros. A l’heure où les déménagements en banlieue se multiplient, ces aspirations ne sont-elles pas vaines ?
C’est un résultat en effet marquant dans notre étude. Les raisons évoquées sont largement liées à la qualité des services associés aussi bien à l’entreprise qu’au salarié, du type « je souhaite travailler dans Paris intra-muros, parce que la ville propose tous les services et que c’est plus facile de se distraire après le travail ».
* Fellow of Royal Institution of Chartered Surveyors
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